Le Ragondin Furieux

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Fin de l’utopie !

Fin de l'utopie !

 

A la fin de l'année 2009 je ne savais quels pourraient être des sujets de réflexions pour l'année à venir si l'on veut véritablement que change ce monde. Comme on parle à tord d'utopie à propos de la Décroissance c'est alors que je me suis souvenu m'être interrogé sur quelques passages de « Fin de l'utopie » d'Herbert Marcuse.

 

Certes, l'auteur de « L'homme unidimensionnel (1964) » est de culture marxiste et cela se ressent dans la non dénonciation complète du productivisme. Néanmoins il esquisse une sorte de refus en préconisant une éradication de l'industrialisation et de la technique au service du capitaliste. Sans doute n'est-il pas encore sur la voie de la Décroissance qui a l'époque où il écrivit les lignes qui suivent (parues en 1968 pour la traduction française) n'était pas encore un sujet d'actualité, en tous cas ses écrits méritent d'être commentés et chacun y verra probablement l'interprétation qui lui convient. Mais sans prendre de risque, on peut dire que ses propos sont plus que jamais d'actualité…

 

« L'utopie est un concept historique. Elle qualifie des projets de transformation sociale qu'on tient pour impossibles. Impossibles pour quelles raisons ? Généralement, quand on parle d'utopie, on entend l'impossibilité de réaliser le projet d'une nouvelle société, parce que les facteurs subjectifs et objectifs d'une situation sociale donnée s'opposent à sa modification – on dit alors que la situation n'est pas mûre. »

 

« En fait, ces possibilités historiques doivent être pensées selon des formes qui mettent l'accent sur la rupture plutôt que sur la continuité avec l'histoire passée, sur la négation plutôt que sur le positif, sur la différence plutôt que sur le progrès. C'est, en d'autres termes, l'activation, la transformation, la libération d'une dimension de l'existence humaine non située au-delà de la base matérielle. C'est l'activation d'une dimension « biologique » de l'existence humaine, la transformation des besoins. »

 

« Ces nouveaux besoins vitaux rendraient alors possible, en tant que force de production sociale, une transformation technique totale du monde vécu, et je crois que ce n'est que dans des conditions de vie ainsi transformées que de nombreux rapports, de nouvelles relations entre les hommes seront possibles. Une conversion technique : je parle une fois de plus des pays capitalistes techniquement avancés, où une telle transformation signifierait la suppression des laideurs de l'industrialisation et de la commercialisation capitalistes, la reconstruction des villes et la reconstitution de la nature après avoir éliminé la lèpre de l'industrialisation. J'espère n'avoir pas besoin de préciser qu'en parlant d'écarter les horreurs de l'industrialisation capitaliste, je n'envisage pas une régression romantique en deçà de la technique : je crois au contraire que les possibilités libératrices et les bienfaits de la technique et de l'industrialisation ne pourront être visibles et réels que lorsque l'industrialisation et la technique capitalistes auront été éliminées. »

 

« C'est Fourier seul – Marx et Engels l'ont eux-mêmes reconnu – qui a fait voir le premier la différence qualitative qu'il y a entre la société libre et la société non libre, et qui n'a pas eu crainte – alors que Marx l'a eue en partie – de parler d'une société possible dans laquelle le travail deviendrait jeu. Une société dans laquelle le travail – même le travail socialement nécessaire – s'organiserait en accord avec les aspirations libérées, les besoins instinctifs, les inclinations spontanées de l'homme. »

 

« Et justement parce que les possibilités prétendument utopiques ne sont pas du tout utopiques, mais constituent la négation historico-sociale déterminée de l'ordre en place, la prise de conscience de ces possibilités, la prise de conscience aussi des forces qui l'empêchent et qui la nient, exigent de nous une opposition très réaliste, très pragmatique. Une opposition libre aussi de tout défaitisme, car le défaitisme, par sa seule existence, est une trahison des possibilités de la liberté en présence de l'ordre régnant ».

 

 

 

Pour mémoire : Herbert Marcuse né à Berlin en 1898 est aussi mort en Allemagne, plus précisément à Starnberg en 1979. Ce philosophe américain d'origine allemande offre surtout à lire une critique des sociétés industrielles, qu'il accompagnera en puisant dans le marxisme et en parallèle avec une analyse freudienne des rapports sociaux.



16/01/2010
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