Le Ragondin Furieux

Le Ragondin Furieux

Le « supermarkette » !

Le « supermarkette » !

 

Par Jacques Braud

 

En se dirigeant vers la « Grand'Rue », passée la façade de bois peint en gris de la boulangerie Chapelain, on arrivait à «L'ETOILE». C'est ce qui était écrit en grosses lettres au- dessus de la porte, mais nous, on disait « Chez Louise ».

 

A cette époque, les enfants étaient souvent envoyés faire une course : le pain, le lait, le journal... On vous confiait le porte-monnaie ; c'était une lourde responsabilité et une grande preuve de confiance. Il ne me serait jamais venu à l'idée d'y prélever la moindre piécette ! C'était donc une excellente pratique morale, en même temps que pédagogique, puisqu'il fallait aussi compter et vérifier la monnaie. Si on avait dit à ma mère qu'elle faisait de la morale et de la pédagogie en agissant ainsi, elle serait tombée des nues, telle Monsieur Jourdain apprenant qu'il faisait de la prose. «Jacquot, toi qui marches bien, va donc chez Louise me chercher un morceau de savon de Marseille, ou une demie-livre de café, ou un litre d'huile, ou 100 grammes de poivre en grain...». On abandonnait incessamment le livre ou le jeu par lequel on était absorbé, et on filait .La boutique ne payait pas de mine, à peine trois mètres de façade, une fenêtre-vitrine ornée d'une guirlande à Noël (et pas deux mois avant !) et une porte.

 

Quand on poussait la porte, elle heurtait un mobile de tubes métalliques au milieu desquels une boule suspendue déclenchait un carillon harmonieux. On descendait deux marches et l'on se retrouvait dans la pénombre d'une échoppe d'une profondeur insondable remplie de produits hétéroclites, et on était assailli par une senteur sans pareille, faite du mélange de parfums divers : café, savon, huile, harengs, lessive, épices....

 

A gauche de la porte, le comptoir, qui m'arrivait au menton, et sur lequel trônaient des bocaux de berlingots multicolores, de rouleaux et de fouets de réglisse, et un immense moulin à café . Et partout des étagères croulant sous les boîtes de toutes tailles et de toutes couleurs : sardines « Les Dieux », petits pois « Cassegrain » etc., des fûts d'huile ou de carbure, du café et des épices en vrac dans de grands sacs ouverts, des caques de harengs fumés, des pyramides de blocs de savon, des balais de coco, des brosses en chiendent, des seaux à charbon, des « sinces » et des ramasse-bourrier . Et puis Louise, petite vieille de noir vêtue, protégée d'un sarreau noir à pois blancs, chignon gris enrubanné de velours noir bardé d'épingles, qui allait à petit pas glissés vous chercher l'objet demandé et vous le tendait par dessus le comptoir. Et quelques mots échangés, « Comment va ta maman ? Travailles-tu bien à l'école ?....»

 

La vie quoi !

 

Au retour, on ralentissait le pas pour avoir le temps de sucer le berlingot offert, et parce que : «Tu n'acceptes pas de bonbon, c'est bien compris ?»

 

Evidemment, les courses et le plein du caddie chez «Edouard» ou «Mammouth», avec des chiards qui réclament tout ce qu'on met à leur portée, c'est autre chose !

 

Bonnes courses de Noël, et portez-vous bien .J.B.

 



17/12/2009
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