Travail, famille, Patrie !
Travail, famille, Patrie !
L'Ecole, en empruntant une expression à Louis Pergaud, on peut dire que c'est là où « l'on ouvre les portes de la vie ». C'est là que l'Homme futur va apprendre à connaître le monde qui va être le sien en gardant toutefois sur celui-ci un regard sans cesse interrogateur. L'école doit donner le savoir à l'enfant pour vivre dans la société qui va être la sienne, tout en devenant un acteur actif et impliqué dans son espace de vie il devra garder sa liberté de pensée. C'est le rôle de l'école, le savoir et l'esprit critique. Et par conséquence, c'est aussi la tâche difficile des enseignants.
Je n'ai pas l'intention de décortiquer l'enseignement actuel, dire si les réformes une fois de plus engagées sont techniquement bonnes ou mauvaises. Il est évident qu'elles ne sont pas bonnes puisque pour l'Université comme le collège et l'école, de partout l'on entend haro sur les ministres. C'est plutôt, à travers l'orientation que Darcos et Pécresse veulent donner à leurs réformes qu'il y a, en dehors de l'aspect technique comme un manque de professeurs, une orientation idéologique assez marquée qui donne matière à réflexion. Effectivement, on ne peut que constater que l'école ne sera plus au service de l'évolution de l'individu, mais sera l'élément formateur au service d'une idéologie, le capitalisme. On ne va plus former des Hommes mais des individus dont pratiquement les seules connaissances seront pour perpétuer le système.
Certes, il ne sera pas fait abstraction de la culture générale en un premier temps car elle n'est pas inutile pour certaines formes d'éveil. Non, on va simplement l'orienter comme il en a déjà été question lorsque les députés ont émit l'hypothèse qu'il ne serait pas inutile qu'ils mettent leurs nez dans les bouquins d'Histoire pour en orienter le sens. Ce ne fut qu'une tentative, mais ne nous leurrons pas, les défenseurs de la pensée unique n'ont pas dit leur dernier mot. D'autant qu'ils pourraient bien être aidés en cela par la disparition de l'école public et des Universités pour lesquelles cela a commencé avec l'apparente autonomie qui va leur être accordée. Autonomie vers laquelle accourent déjà les entreprises qui veulent mettre la main basse sur le savoir. On va assister au même phénomène d'ici peu pour les Lycées. Cette intrusion de l'entreprise dans l'éducation ne serait pas à rejeter si elle allait véritablement dans le sens de l'universalité de la formation, au seul bénéfice du travailleur. Mais comme le travailleur est considéré comme un pion jetable, taillable et corvéable à merci, on imagine quel est le sens de la participation patronal dans la formation.
Pour l'école publique c'est moins flagrant, mais on sent dans les réflexes ministériels une préférence pour le privé où figure en bonne place l'école confessionnelle. Les attaques contre la Laïcité à la française de la part du Chef de l'Etat ne sont pas anodines et s'inclues bien dans l'axe de pensée de son ministre. L'équivalence des diplômes avec ceux du Vatican en est la scandaleuse preuve. Ministre qui d'ailleurs a suggéré déjà que le port de l'uniforme ne serait pas quelque chose à exclure, vulgairement parlant on pourrait dire : on les fringue tous pareil pour mieux les formater…
Puisque nous sommes entrés dans une époque obsessionnelle de la rentabilité, du résultat, il ne serait pas étonnant que l'effort soit porté que sur les matières prétendues essentielles au détriment de la culture qui n'est pas apparemment d'importance au yeux d'un chef de l'Etat assez ignare en la matière. Donc, si l'accent qui est porté sur l'école au service du profit ainsi que certains prémices le laissent supposer, s'en est fini du rayonnement intellectuel et artistique de la France.
Et que dire du développement de l'esprit critique qui va être mis au rencart ne pouvant servir en aucune manière la cause de la pensée unique. Ca tombe sous le sens, si n'importe qui se permet de réfléchir et de critiquer la soi-disant bonne parole, où va-t-on !
Enfin, comme ce n'est pas tout à fait dans ce sens que je vois l'éducation de nos enfants, en écrivant les quelques lignes de cet épisodique petit billet, je me suis souvenu des propos d'un Monsieur, Jean Cornec, dont les idées étaient loin de celles de la politique actuellement menée.
Simone et Jean Cornec furent les fondateurs de la Fédération de parent d'élève, appelée Fédération Cornec. Puis il devint le président de la Fédération Nationale des Conseils de Parents d'Elèves de l'Ecole Public (FNCPEE). Pour la petite histoire, il fut aussi membre de la Révolution Prolétarienne. D'un autre côté, de par son métier Jean Cornec était avocat, et il eut l'occasion de défendre un instituteur périgourdin accusé d'attouchement sur l'une de ses élèves. A la suite du procès qu'il gagna, l'instit étant innocent, il écrivit un bouquin narrant cette histoire et l'intitula : « Les risques du métier » (1962). André Cayatte s'inspira du livre pour écrire un scénario dont il fit un film à succès (1967), pour lequel il attribua le rôle de l'instit à un époustouflant Jacques Brel. En dehors de cet épisode cinématographique tout à fait fortuit, Jean et Simone Cornec furent surtout des défenseurs de l'école publique et Laïque. Il fut aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont « Laïcité », paru en 1965…
En 1967 dans un petit opuscule, sorti pour le centenaire de la ligue française de l'enseignement, intitulé les « Portes de la vie », Jean Cornec y signe au côté d'autres personnalités, Jean Rostand, Sylvain de Coster, etc., un court texte dont voici un extrait :
Il faut donner une culture générale permettant d'assurer à chacun l'éducation permanente, les réadaptations nécessaires et les recyclages indispensables.
Ils faut aussi apprendre aux jeunes la solidarité, l'esprit d'équipe, les droits sociaux et leur contre-partie, les devoirs sociaux.
Il faut leur faire comprendre les mécanismes politiques, économiques, professionnels. Bref, il faut leur donner une solide formation civique.
Enfin, puisque la civilisation de l'an 2000 sera une civilisation de loisirs, pour que cette civilisation ne soit pas le triomphe de l'abêtissement mais, au contraire, la libération véritable de l'homme, il faut que la culture générale donne le goût de la curiosité intellectuelle, de la curiosité artistique.
Le monde de demain ne sera pas un monde heureux, pacifique, épanoui parce qu'on aura multiplié les salles de spectacles, de concerts ou les stades, mais parce que l'éducation aura donné aux hommes l'envie de les fréquenter assidûment, parce qu'elle leur aura ouvert, toute grande, les « Portes de la Vie ».
Malheureusement on s'éloigne à grands pas de cette conception de l'éducation et pourtant le bien-être du peuple ne peut venir qu'en prenant appui sur les bases qu'a définies succinctement Jean Cornec.
Mais, au fait, le bonheur du peuple, est-ce le but recherché par nos dirigeants ?
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