Le Ragondin Furieux

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Non, au retour de la xénophobie!

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Il est rare que je donne à lire le texte entier d'une intervention de discussion générale ayant eut lieu à l'assemblée, mais celui de Patrick Braouzec lors de la présentation du Projet immigration, intégration et nationalité mardi 28 septembre 2010 - 2ème séance est tellement explicite et complet qu'il pourrait devnir incontournable...


Patrick BRAOUEZEC

Député communiste, républicain, citoyen

Département de Seine-Saint-Denis

Groupe de la gauche démocrate et républicaine


Pt immigration, intégration et nationalité

mardi 28 septembre 2010 - 2ème séance


Discussion générale


Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la quatrième fois depuis 2003, le Gouvernement convoque les parlementaires pour l'examen d'une nouvelle loi sur l'immigration, mais qui, cette fois, va aborder les questions de l'intégration et de la nationalité.

Avant d'en venir au texte lui-même, j'aimerais préciser le contexte dans lequel vont se dérouler ces débats. Ce ne sera pas du lyrisme, monsieur le ministre, mais du réalisme, puisque cela s'appuie sur ce que vivent un certain nombre de personnes dans notre pays.

L'année 2006 a vu la création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale avec le renforcement de la loi concernant les migrants. Il y a eu, pour mieux y parvenir, l'introduction du contrôle ADN, des décisions visant à délégitimer les mariages mixtes pour que les Françaises et les Français soient bien conscients qu'aimer un étranger en France devient suspect et revient même, parfois, à être considéré comme un criminel potentiel.

Je citerai l'exemple de Mohamed Amouch qui a été interpellé par des policiers qui l'attendaient devant la mairie où il se rendait avec sa compagne française, enceinte, pour y déposer leur dossier de mariage. Son expulsion devait avoir lieu hier. Les regroupements familiaux sont aussi rendus difficiles, voire pratiquement impossibles. Mme Justina – c'est aussi la réalité, monsieur le ministre – Haïtienne titulaire d'une carte de résident, travaille et dispose d'un appartement de soixante-dix mètres carrés. Elle attend depuis 2005 la venue de ses deux filles, après avoir reçu l'accord préfectoral. Mais toutes ses demandes de visa ont été rejetées. Le 12 janvier, sa cadette, Ronilde, est morte lors du séisme. Quant à son aînée, Angie, entre-temps devenue majeure, elle ne peut toujours pas venir en France, en dépit des nombreuses démarches de sa mère. Pourtant, Angie ne devrait-elle pas déjà être là puisqu'elle était mineure au moment où sa mère a déposé la demande ? Et je ne parle pas de l'introduction de la fameuse condition d'adhésion aux valeurs républicaines, dont les critères ne sont toujours pas définis !

Le Gouvernement affirme que ces lois successives ne sont là que pour traquer l'immigration irrégulière, afin de mieux intégrer l'immigration régulière, mais ces réductions de liberté touchant les sans-papiers déstabilisent tout autant l'immigration légale que l'ensemble de la société française. Avec ces différentes lois, le droit a perdu et continue de perdre toujours plus de terrain face à l'arbitraire. Et ce ne sont pas les fonctionnaires que je mets en cause en affirmant cela. Ainsi a-t-on supprimé le dernier droit des sans-papiers, celui d'être régularisés au bout de dix ans de présence, en dépit de la promesse du ministre de l'intérieur faite dans cet hémicycle. Je m'en souviens d'autant plus que je l'avais à l'époque interpellé. En définitive, les étrangers sont de plus en plus exclus du droit commun, isolés dans une espèce de zone de non-droit. La ligne jaune a été franchie depuis que les gouvernements successifs ont affirmé qu'un certain nombre d'individus qui vivent parmi nous, avec nous, étaient indésirables. De là se sont développées des convocations pièges dans les préfectures ; des arrestations de parents alors qu'ils attendent leurs enfants à la sortie de l'école ; l'interpellation de personnes à leur domicile comme cela s'est produit à Amiens, mais aussi dans leur quartier, pratiquement chaque semaine, au métro Belleville ; des arrestations lors de contrôles de police ; c'est aussi l'interpellation d'une trentaine de sans-papiers alors qu'ils attendaient la distribution alimentaire des Restos du cœur… Nous pourrions multiplier les exemples.

Soulignons que ces hommes, ces femmes et ces enfants n'ont commis aucun délit, sauf celui d'être là, parfois depuis longtemps, soit dans l'attente d'une régularisation, soit parce que devenus sans-papiers suite à la transformation des lois successives. Lors de ces arrestations, des enfants sont emmenés dans des centres de rétention. Il n'y a pas si longtemps, la Cimade précisait qu'il y avait près de 400 jeunes enfants enfermés dans les centres de rétention administrative, dont des nouveau-nés ! Pour les parents qui essaient de les soustraire à cet enfermement, l'alternative est violente : soit les parents les emmènent avec eux dans le long périple de l'expulsion, soit ils sont placés à la DDASS.

En se focalisant sur un objectif chiffré d'expulsions à effectuer chaque année, le discours gouvernemental a pour effet de masquer l'ensemble des moyens mis en œuvre pour y parvenir. C'est en effet toute une chaîne de contrôle qui se déploie en amont de cette expulsion, comme en témoigne l'expérience vécue par une autre sans-papiers, Béatrice Tamba. Je la cite : « On ne m'avait jamais mis de menottes. C'est une humiliation pour nous, sachant que je n'ai pas volé ! »

Le dispositif se démultiplie – du contrôle de police au placement en garde à vue, de la rétention jusqu'à l'éventuelle expulsion du territoire français –, faisant intervenir de nombreux acteurs et différents lieux d'enfermement. Ces éléments, auxquels il faut ajouter la prison, participent du mode de gestion spécifique des étrangers en situation irrégulière et produisent des effets concrets sur la vie des étrangers en situation irrégulière, indépendamment de ce qui semble être l'objectif premier : l'expulsion du territoire français.

À la politique systématique d'expulsion à l'égard des migrants, maintenant avec ou sans papiers, s'ajoute celle qui touche les Roms, aggravant les difficultés de vie des familles, suscitant des ruptures des suivis de santé et niant les démarches d'intégration qui existent, que ce soit au niveau de la scolarisation, de la recherche de travail ou de logement.

Durant cet été, les citoyens français ont assisté à des scènes de violence dénoncées par de nombreuses personnes. Ils ont pu voir la police nationale, des polices municipales, la police aux frontières, les services de l'Office de l'immigration et de l'intégration, les services des préfectures participer à la destruction de logements de fortune et pousser des familles vers l'expulsion. Ces opérations ont fait écho à la volonté du Président de la République de renvoyer en Roumanie et en Bulgarie les Roms en situation irrégulière. Ces déclarations ont pourtant suscité des réactions en cascade. Tout à l'heure, certains d'entre vous – M. le ministre, M. Mariani et M. Goasguen – ont essayé de démontrer que la France était le meilleur élève de la classe européenne.

Il y a sans doute bien longtemps de cela ! En effet, depuis un certain temps, elle se fait quelque peu taper sur les doigts par l'Europe ! La commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté a rappelé que « la France doit respecter les règles concernant la protection des citoyens européens. » Les Roms ne sont-ils pas des citoyens européens ?

Le 14 août, un de vos collègues de l'UMP dénonçait l'expulsion de Roms à Montreuil : « Peut-on être un député de la République et laisser faire cela sans réagir quand on découvre que les forces de l'ordre, intervenant très tôt le matin, trient les familles, les hommes d'un côté, les femmes et enfants de l'autre, avec menace de séparer les mères et les enfants ? ». Il appelait d'ailleurs à la démission du préfet en affirmant : « Tous les républicains ne pourront que condamner ces méthodes qui rappellent les rafles pendant la guerre ». Ce n'est pourtant pas un gauchiste !

Eh oui ! Mais, monsieur Myard, c'est quelqu'un de vos rangs qui s'est ainsi exprimé ! Je ne vous donnerai pas son nom, parce que je ne suis pas un délateur ! Vous le trouverez !

Quelques jours plus tard – et cela fait toujours partie des bons points décernés par l'Europe au Gouvernement français – le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe déclarait : « Les événements qui se sont produits récemment dans plusieurs pays européens, et tout dernièrement les évacuations de camps roms en France et les expulsions de Roms de France et d'Allemagne [...] risquent fort d'attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe ».

La France a également été épinglée par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU qui, après avoir dénoncé le débat sur l'identité nationale, la politique du Gouvernement envers les Roms et les "Français d'origine étrangère", a mis en cause l'absence d'une « véritable volonté politique » pour lutter contre une « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie » dans le pays. Je n'oublie pas le Parlement européen qui, « s'inquiétant vivement de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire adoptée par le Gouvernement français », a voté une résolution demandant à la France de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms. » Mais rien n'y fait, le Gouvernement maintient le cap de sa politique discriminatoire à l'égard des Roms et des étrangers en général et préfère, une fois de plus, chasser les personnes plutôt que de mettre en place une réelle politique d'accueil des Roms en réfléchissant à des solutions innovantes, créatives, adaptées et satisfaisantes aussi bien pour les Roms que pour les citoyens français, dans le respect des droits de tous.

Je rappelle juste qu'en vertu des mesures transitoires applicables jusqu'en 2014, les citoyens roumains et bulgares peuvent circuler librement pendant trois mois dans tout pays de l'Union. « Toutefois […] », signale la circulaire du 24 juin, «[…] un arrêté de reconduite à la frontière peut être envisagé en cas de menace pour l'ordre public. » Le texte rappelle aux préfets la jurisprudence sur la notion de trouble à l'ordre public : vol à l'étalage, prostitution ou encore infraction à la législation sur le travail. Tous les Roms troublent-ils collectivement l'ordre public ? Fallait-il, dès lors, un énième projet de loi totalement conjoncturel, comme je viens de le souligner ?

L'exposé des motifs tente de nous en persuader, puisqu'il affirme que ce projet vise à transposer dans le droit français trois directives européennes. D'abord, la directive « retour », qui prévoit la possibilité de retenir enfermés des migrants, y compris mineurs, pour préparer leur expulsion, pour une durée qui peut aller jusqu'à dix-huit mois. Aujourd'hui, la durée de rétention est très variable d'un État à l'autre : dans certains pays elle est supérieure à dix-huit mois, dans d'autres, elle n'est pas réglementée et des migrants se voient enfermés jusqu'à deux, voire trois ans. L'application de cette directive européenne peut éventuellement améliorer le sort des migrants dans certains États. Mais en France, ce n'est pas le cas : la durée maximale de rétention est actuellement de trente-deux jours.

L'adaptation à cette directive, en dépit des récentes explications de Thierry Mariani, devient un prétexte pour allonger la durée de l'enfermement en centre de rétention, qui passera à quarante-cinq jours.

La deuxième directive concerne la « carte bleue européenne ». Enfin la troisième est appelée « directive sanctions ». Mais ce texte se contente-t-il de cela ? Non, le Gouvernement profite de cette occasion pour aggraver sa politique d'hostilité à l'égard des étrangers. Il prend ainsi des libertés avec les textes de l'Union européenne et va au-delà de ce à quoi il est obligé par cette transposition.

Il en profite même pour glisser dans ce projet des changements sur des points qui n'ont rien à voir avec les directives de l'Union, au motif de « renforcer la politique d'intégration » ou d'introduire des mesures « de simplification » ; deux formules bien éloignées de la réalité. En fait, ce projet de loi constitue une étape supplémentaire dans la fragilisation d'hommes, de femmes, d'enfants et de familles déjà fortement ébranlés par les difficultés de l'exil.

Certains fuient la guerre ou les traitements inhumains pour sauver leur vie. D'autres cherchent simplement à améliorer leur situation et celle de leur famille. Ils aspirent, comme tout un chacun, à vivre en paix, dans la sécurité, et à travailler en France.

Outre l'ingénieuse invention d'une zone d'attente « sac à dos », pour reprendre l'image utilisée par une association – sac à dos que les étrangers débarquant sur le territoire national apporteront avec eux où qu'ils soient puisque tout lieu dans lequel ils seront découverts pourra être ainsi qualifié –, ce projet de loi restreint les possibilités d'accéder au territoire pour demander l'asile et place un plus grand nombre d'éventuels demandeurs dans des conditions défavorables pour l'examen de leur demande de protection. S'ils sont déboutés et renvoyés, il leur est interdit de revenir dans l'Union européenne pour sauver leur vie. On a parlé tout à l'heure de jeunes Afghans qui ont été renvoyés en Afghanistan alors qu'ils y risquent leur vie, mais ils ne sont pas les seuls.

Ce projet se distingue également par une défiance totale à l'égard des juges, visiblement considérés comme des gêneurs dans la mise en œuvre des objectifs chiffrés d'expulsion. Le Gouvernement octroie toujours plus de latitude à l'administration dans la mise en œuvre des expulsions et, corrélativement, toujours moins de droits pour des étrangers privés de liberté alors même qu'ils n'ont commis aucune autre infraction que d'être sur le territoire. Telle est la conception du Gouvernement pour la mise en œuvre d'une politique migratoire prétendument respectueuse des droits de l'homme, prétendument généreuse.

L'ensemble des dispositions du projet de loi relatives au contentieux judiciaire sont destinées, pour les unes, à éviter à l'administration le désagrément d'avoir à soumettre la régularité de ses procédures au contrôle du juge judiciaire et, pour les autres, à réduire ou neutraliser les pouvoirs de contrôle de ce dernier.

Que le juge judiciaire, institué gardien des libertés individuelles par la Constitution et chargé à ce titre de sanctionner les excès de l'administration en mettant fin aux rétentions indues soit entravé dans l'exercice de cette fonction n'étonnera guère. Ce projet renforce les difficultés rencontrées par les étrangers pour faire valoir leurs droits, constitution des dossiers de demande d'asile et accès à l'aide juridictionnelle.

Ajoutons que la généralisation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai permettra de restreindre le droit des étrangers à contester la décision de l'administration. La personne étrangère ne disposera plus que d'un délai de quarante-huit heures pour introduire un recours lui-même complexe et nécessitant pour aboutir les conseils de spécialistes.

Sur le plan de la santé, il accentue le soupçon généralisé à l'égard des étrangers, qui sont présumés coupables de vouloir abuser de l'aide sociale, de l'assurance maladie, de la sécurité sociale. Il n'est pas de bon ton d'être malade lorsque vous êtes sans papiers, même dans une démocratie moderne où le système de santé s'est bâti sur le concept de solidarité entre les individus, et alors que le droit à la santé a valeur constitutionnelle. À Mayotte plus qu'ailleurs l'accès aux soins des plus précaires est mis à mal par une pression sécuritaire et financière sans précédent dans l'histoire médicale contemporaine de la France.

Des conjoints de Français ou d'étrangers en situation régulière, voire avec des enfants en France, n'ont parfois pas de document de séjour. La loi, qui peut déjà interrompre leur vie familiale, va durcir les conditions de leur séparation en repoussant toute possibilité de retour. En effet, tout étranger renvoyé peut être banni de l'Union européenne jusqu'à cinq ans Cette double peine est indigne.

Les organisations qui travaillent avec les migrants sont aussi ciblées. En modifiant à la marge la loi, le projet voudrait calmer les critiques sur le délit dit de solidarité et continuer à dissuader quiconque aiderait de bonne foi et dans la durée un étranger dont nul ne sait a priori s'il est en situation administrative irrégulière.

Il est contradictoire de maintenir le principe de fraternité dans la devise de la République et de punir les actes de solidarité. Motivés par la solidarité et la défense des étrangers sans papiers, des citoyens, des mouvements de solidarité et des associations refusent que des mesures de plus en plus restrictives, voire arbitraires, propulsent des milliers d'hommes et de femmes dans la précarité et le désespoir. En craignant des mesures d'éloignement de plus en plus expéditives, les étrangers seront conduits à se cacher et à ne pas recourir à l'aide qui leur est pourtant nécessaire pour conserver des conditions de vie acceptables et voir satisfaits leurs besoins élémentaires : hébergement, aide alimentaire, soins, scolarisation des enfants, aide juridique etc…

Les travailleurs sociaux et les bénévoles, déjà en difficulté face aux méandres du droit des étrangers et aux pressions exercées sur eux par certaines administrations, risquent de ne plus pouvoir exercer leur mission d'accueil inconditionnel et d'accompagnement. Pour eux, deux craintes majeures demeurent : les interpellations des personnes en situation irrégulière au sein ou aux abords des structures d'accueil et d'hébergement, et les poursuites pénales à l'encontre des personnes qui viennent en aide aux sans papiers.

Mais ce projet va plus loin, il marque un tournant considérable dans la politique d'immigration. Dans certains domaines, il introduit pour les étrangers un véritable régime d'exception : enfermement sans aucun contrôle judiciaire pendant cinq jours. Jusqu'alors, la loi réclamait le contrôle du juge des libertés si la mise en rétention excédait deux jours avant l'expulsion. Ce garde-fou, indispensable face à l'arbitraire de l'administration, est retardé par ce projet de loi : ainsi, des expulsions seront possibles pendant cinq jours sur seule décision administrative.

De plus, le juge judiciaire ne pourra plus sanctionner certaines irrégularités. En reportant de deux à cinq jours le délai pendant lequel l'administration devra saisir le juge des libertés et de la détention, le projet vise clairement à lui permettre de mettre à exécution un nombre considérable de procédures de reconduite sans qu'à aucun moment un juge ait été appelé à vérifier la régularité de l'arrestation de l'étranger et des conditions de sa rétention au regard des droits qu'il est censé pouvoir exercer.

Ce projet est loin de présenter la simplification annoncée, il complexifie au contraire le droit des étrangers et rend encore plus opaques les voies de recours et de régularisation. Les amendements qui viennent d'être déposés par le Gouvernement renforcent cette tonalité.

En définitive, les étrangers n'auront plus le droit d'être entendus, le droit d'asile sera largement entravé, le droit de vivre en famille restreint et la solidarité plus que jamais répréhensible. Le texte durcit les dispositions applicables en matière de privation de liberté des étrangers et, par conséquent, menace leurs droits fondamentaux mais aussi les nôtres.

Ce projet de loi démontre bien que les migrations sont devenues l'une des questions sociales, économiques et politiques les plus délicates de ces dix dernières années car, face au déferlement des pauvres, les pays développés se transforment en d'impossibles forteresses. Ils se ferment de plus en plus à certaines catégories d'étrangers en resserrant le contrôle de l'immigration et en rendant toujours plus difficiles les conditions d'entrée et de séjour sur leur territoire. Je viens de citer là le rapporteur de la commission de droit international de l'ONU, Maurice Kamto.

Du coup, les États, et le nôtre en particulier, considèrent l'étranger comme le gêneur, le terroriste potentiel. La conséquence est qu'il doit être combattu.

Avec la politique d'immigration répressive et violatrice des droits humains fondamentaux, on assiste à une sorte d'institutionnalisation légale de la xénophobie. On détourne le regard des causes profondes de l'immigration que sont le déséquilibre, les inégalités économiques du monde et l'extrême pauvreté, mais aussi les guerres entretenues au détriment des populations et du droit des peuples à l'autodétermination.

L'immigration est l'un des révélateurs dramatiques des déséquilibres socio-économiques, aggravés par la globalisation imposée par l'économie néolibérale, qui provoque, vous le savez, une paupérisation galopante des pays sous-développés.

Cette politique s'encadre dans un enfermement identitaire que traduit le refus de la diversité. Ici, l'enfermement identitaire se manifeste à deux niveaux, le système des valeurs d'une part, et les expressions et les signes culturels d'autre part.

En ce qui concerne les systèmes de valeurs, l'enjeu de l'enfermement identitaire est révélé par une approche dominante de l'assimilation qui, en conditionnant l'intégration de l'immigré exclusivement par l'acceptation et le respect des valeurs du pays d'accueil, postule l'inexistence de valeurs humaines culturelles ou religieuses propres à l'immigré ou au demandeur d'asile.

Cette approche négatrice en dernière analyse de l'humanité même de l'immigré, de l'étranger ou du demandeur d'asile participe en fait à la vieille idéologie de la hiérarchisation des cultures et des civilisations sur laquelle se sont fondées historiquement toutes les dominations de peuples.

La migration est donc devenue presque partout un délit poursuivi par les pays de destination mais aussi par les pays de départ. Ce fait constitue le premier facteur de criminalisation de la migration, transformant ainsi les politiques migratoires des pays européens en une sorte de panoplie militaro-policière plutôt qu'en une réelle possibilité d'insertion régulière.

Faisons tous attention, en notre âme et conscience, l'histoire nous a appris que le processus de criminalisation ne s'arrêtait jamais aux catégories que l'on visait au départ. Si l'on crée une zone de non-droit dans un État de droit, elle évolue comme un cancer : elle fait des métastases et atteint bientôt d'autres parties du corps social. Qui seront les prochains ? Les murs qui se construisent aujourd'hui, au prétexte de terrorisme ou d'immigration sauvage, ne se dressent pas entre des civilisations, des cultures ou des identités, mais entre des pauvretés et des surabondances, entre des réalités qu'une politique mondiale dotée des institutions adéquates devrait savoir atténuer, et auxquelles elle devrait même apporter des solutions.

Ce qui menace les identités nationales, ce ne sont pas les immigrations, c'est par exemple la standardisation insidieuse prise par la consommation, c'est la divinisation de la marchandise, c'est l'inconscience devant les désastres de l'argent roi, dont les conséquences dans les pays à forte migration sont criminelles. C'est l'idée d'une essence occidentale, fermée aux autres, ou d'une civilisation exempte de tout apport des autres et qui devient par là même non humaine. En bref, c'est la construction d'un mur identitaire au cœur, comme le dit si poétiquement Édouard Glissant, de l'unité-diversité humaine.

Pour toutes ces raisons, y compris philosophiques, le groupe GDR s'opposera tout au long du débat à ce texte. Il proposera la suppression d'articles, les plus mauvais, et proposera des amendements pour le rendre le moins néfaste possible pour les immigrés et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)




01/10/2010
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