Limites des résistances « locales »
Limites des résistances « locales »
Point de vue sur le CRS de Fontenay-le-Comte
Contribution de JM HOLIET, participant au CRS de Fontenay le Comte
« Plus [les lois] auront respecté les droits de l’indépendance personnelle et l’égalité naturelle, plus elles rendront facile la tyrannie que la ruse exerce sur l’ignorance… ». « Sans doute il suffirait d’arracher aux chefs leurs masques perfides ; mais le pouvez-vous ?Vous comptez sur la force de la vérité ; mais elle n’est toute puissante que sur les esprits accoutumés à en reconnaître, à en chérir les nobles accents ».
Condorcet, Premier mémoire sur l’instruction publique,1791.
Le projet central du Collectif de Résistance sociale de Fontenay le Comte est bien d’instruire ses concitoyens par ses actions « culturelles », ses engagements dans les luttes sociales et ses participations aux élections.
Instruire pour nous c’est informer, susciter les contributions, proposer, mettre en débat. Vaste programme pour quelques dizaines de militants dans un petit coin du Sud-Vendée.
La difficulté est grande mais nous avons la faiblesse de croire que ce travail est nécessaire donc qu’il faut le poursuivre avec nos petits moyens.
Il faut résister à l’affaissement démocratique en réactivant la participation des citoyens face à une oligarchie d’esprit aristocratique qui fait tout et à tous les moyens de convaincre le peuple qu’elle seule sait et peut définir l’intérêt général tout en justifiant ses prédations. La difficulté est grande car de plus en plus de citoyens pensent qu’ils sont incapables ou impuissants, définitivement souvent.
Il faut résister au grégarisme consumériste qui fait l’être social selon l’oligarchie détentrice des moyens du pouvoir. La difficulté est grande car nos propositions portent en elles une critique radicale du capitalisme libéral ; si une majorité de citoyens constate les éléments du désastre bien peu ose imaginer « autre chose », un autre possible. Deux exemples : comment imaginer qu’il est possible de gérer équitablement et durablement les ressources autrement que par le marché, c’est-à-dire par la peur entretenue des « augmentations » de prix et de la pénurie « inévitable » ? Comment mettre en oeuvre les solutions qui peuvent faire reculer le nombre d’humains souffrant de la faim quand le « marché » a totalement échoué.
Nos propositions se heurtent à une idée que l’oligarchie dirigeante a gravé dans les esprits : la démocratie s’arrête au seuil de l’économie. Nous assistons encore impuissants à la mise en place des lois qui garantissent les « droits de l’indépendance personnelle et de l’égalité naturelle ». Condorcet nous avertit que la tyrannie est en marche si personne ne s’occupe d’instruire les citoyens pour qu’ils puissent choisir librement leur destin en refusant la « guerre de tous contre tous » au profit de la solidarité qui assure la liberté de chacun, notamment celle de mettre leurs talents au service de tous les autres.
Si la tâche est immense et urgente on ne peut pas être complètement pessimiste quand on constante le nombre d’associations où les citoyens se saisissent des problèmes, proposent et souvent mettent en oeuvre des solutions. Le CRS a voulu faire émerger la cohérence de tous ces engagements et susciter la « densification » de la participation citoyenne, faire de la politique au sens premier du mot. De ce point de vue et pour l’instant, au niveau départemental, sa participation au Front de gauche est un échec en raison du refus des partis fondateurs d’en faire un forum fédérant les citoyens volontaires sur leurs propositions après débat. Là est notre limite… dans l’immédiat.
Pour l’avenir faut-il ne compter que sur les catastrophes disqualifiant les oligarchies au pouvoir pour qu’une majorité de citoyens reconnaissent dans nos analyses une grande part de vérité et dans nos propositions des pistes pour organiser un monde meilleur ?
Le mot « résistance » ne définit que partiellement l’action du CRS dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de défendre ce qui a été construit depuis plus d’un siècle. Il a aussi toujours mis en débat ses analyses et interprétations des événements et ses propositions. Il s’agit bien de construire un autre possible répondant aux « nouveaux » problèmes en intégrant les solutions déjà pensées ou en gestation dans les esprits.
J’ai dit dans la contribution précédente l’impasse de la solution du Front de gauche sur le plan local au moins. On notera au passage que le CRS n’a jamais imaginé être le fédérateur de tous ces militants d’associations ou simples citoyens ayant le désir de participer à l’élaboration d’un projet et de s’engager pour le faire connaître. Nous pensions que le Front de gauche ne devait pas les laisser sur le bord de la route en restant une alliance entre partis qui conservent leurs stratégies propres en décidant au sommet des candidatures tout en pensant qu’il leur suffira de présenter leurs propositions pour susciter l’adhésion. En matière de renouvellement des pratiques de la démocratie on ne peut faire pire … et plus conservateur.
Certains dirigeants du PCF , dont on se demande s’ils ne sont pas atteints de paranoïa aiguë, ont vu dans cette conception du Front de gauche une négation du rôle des partis politiques et même une menace pour leur existence si on en juge par leurs réactions. La plus mauvaise langue du CRS a été jusqu’à dire qu’il s’agissait de paranoïa de type stalinien dont le symptôme est l’incompréhension et la peur de la pratique démocratique. Cette même mauvaise langue dit aussi haut et fort l’engagement et les capacités d’organisation des militants de ce parti et pour nombre d’entre eux leur contribution au débat.
Sur le plan local, le CRS et les idées qu’il défend me semblent bien identifiés par une part de la population de la ville et de ses environs immédiats.
Ses participants sont connus sinon reconnus par les militants des syndicats, des associations, voire des partis politiques par leur participation à certains débats intersyndicaux, à l’organisation des tractages et manifestations ; aussi par le relais que le CRS offre aux actions de nombreuses associations ( infos sur la liste, rézocitoyen et le blog).
Ses participants sont connus et reconnus par les actions nées de leur initiative. Parmi celles-ci : le forum 2005 sur le traité constitutionnel, la participation aux élections législatives de la circonscription en 2007 et 2008 puis aux européennes , régionales et cantonales, la conférence de G. Filoche sur la question des retraites en septembre 2010, les ciné-débats lancés depuis 2010. Il faut aussi signaler les lettres ouvertes ou communiqués de presse en direction des gens au pouvoir( municipalité PS de Fontenay-le-Comte et sa Com-Com et même majorité de droite-droite du département).
Pour autant les membres du CRS se sont peu préoccupés de mesurer leur influence sur le cours des choses sinon qu’ils ont été acteurs d’un succès en 2005 , des échecs de 2007(pas de candidat unique à gauche de la gauche) et de l’automne 2010. C’est souvent aussi que le CRS est en participation avec de nombreuses associations…
Cependant un fait majeur émerge nettement : le besoin de s’informer, d’exprimer son opinion, de proposer et de débattre des solutions existe chez bon nombre de nos concitoyens bien au-delà des « cercles militants ». On peut citer en exemples : le nombre de présents-participants à la conférence de G. Filoche puis à la vidéo qui en a été tiré, au ciné-débat sur « Usage et mésusage de l’eau » organisée dans la capitale vendéenne de la décroissance (Ste Christine de B.), aux différents autres cinés-débats, etc . . Nous avons la faiblesse de croire que ce que fait le CRS contribue a apporté quelques réponses à ce besoin qui, soit dit en passant, montre que l’affaissement de la démocratie peut être endigué.
La nécessité et l’urgence de fédérer pour peser sur le cours des choses se sont imposées surtout après 2007 . On sait l’impasse de la solution Front de gauche par la base, c’est-à-dire en faisant confiance aux multiples initiatives locales. Atteindre la « masse critique » semble bien difficile à court terme.
Le CRS continue donc sans statut, sans cotisation ni carte et forcément sans président ; un tel « machin » échappe encore à l’imagination de beaucoup et vit depuis neuf ans. Pourtant c’est simple: ordre du jour ouvert, liberté de parole, débat, liberté de s’engager dans les actions et vient qui veut. On y entend beaucoup de propositions novatrices et l’ambiance est nettement à « gauche de la gauche » sans exclusive…
Juillet 2O11
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