Le Microcrédit en question !
Le Microcrédit en question !
A me lire on pourrait croire parfois que je suis d'un naturel suspicieux. Honnêtement, je pense pas, je serais plutôt optimiste de nature allant chercher le bon coté des choses. Par contre, il est des domaines où j'ai peu confiance en la nature humaine. Donc, lorsque l'on parle argent je suis tout de suite septique dès que l'on met en exacerbe des attitudes proches de la philanthropie. Là, j'ai tout de suite un doute.
Il se trouve que dans mes relations plusieurs personnes ont des rapports plus ou moins directs avec le microcrédit. Cela a, comme de bien entendu, fait que je me suis encore plus intéressé à cette forme bancaire semblant sortir des sentiers battus. Cependant, mon entourage ne m'a pas, pour l'instant, véritablement répondu aux interrogations que je me pose.
En effet, à première vue cela part d'un sentiment louable lorsque l'on ouvre la porte de mieux-être à des gens défavorisés. D'ailleurs, Muhamad Yumus, père fondateur du microcrédit n'a-t-il pas reçu le prix Nobel de la Paix, c'est quand même une référence n'est-ce pas…quoique, parfois discutable. Justement, discutons-en car je ne sais pourquoi mais ce système m'a toujours laissé dubitatif, un peu comme si l'on mettait un onguent de maquillage pour cacher une plaie mal fermée. Et puis, en lisant la presse non-conventionnelle, celle marginale dans laquelle on trouve les vraies informations, je suis tombé par hasard sur un article traitant du sujet dans le mensuel CQFD. Et bé…si j'en crois se qui est écrit, mes doutes étaient malheureusement fondés !
MICROCRÉDIT, MACRO-USURIERS
Lu dans CQFD, n°68
Il est, paraît-il, un secteur qui ne connaît pas la crise. Celui de la microfinance. Aujourd'hui, grâce un prêt minime contracté auprès d'une Institution de microcrédit (IMF),160 millions d'artisans,de paysans peuvent acheter qui une chèvre, qui une barque de pêcheur, qui une machine à coudre et devenir micro-entrepreneur. Difficile d'être hostile à cette pratique qui prétend haut et fort combattre la pauvreté en offrant un accès au crédit et à l'épargne à celles [1] et ceux qui en sont exclus d'ordinaire. Ainsi, Muhamad Yunus, père fondateur du microcrédit et prix Nobel de la Paix 2006, se vante d'avoir aidé sept millions de pauvres dans 78 000 villages du Bangladesh. Sa banque, la GrameenBank (partenaire de Danone) fait du profit mais ce qui importe, dit-il, « c'est que 64% de ceux qui ont été emprunteurs durant au moins cinq ans ont dépassé le seuil de la pauvreté ».
Faut voir… Ne dit-on pas que l'enfer capitaliste est pavé des meilleures intentions humanitaires ? Déjà en2001, le macro-conseiller Jacques Attali s'interrogeait : « Le microcrédit constitue-t-il une forme de don, un moyen de créer des petits boulots, ou un moyen d'installer une forme de grand capitalisme ? » Devenu le gourou de Planetfinance,première IMF dans le monde, on peut en déduire qu'il a trouvé la réponse. Pour Muhamad Yunus, pas d'ambiguïté : « Le social-business est la pièce manquante du système capitaliste. Son introduction peut permettre de sauver le système [2]. » Sauver le capitalisme, en toute simplicité.
L'engouement est mondial. Et quelques grandes banques de s'apercevoir que la microfinance peut être très rentable ; d'autant que les taux d'intérêt sont élevés – de 15 à 20%, jusqu'à 30% même !– et que les pauvres s'évertuent à bien rembourser – le taux de pertes de la Grameen Bank ne serait que de 3%. Comme disait le grand Alphonse Allais : « Il faut prendre l'argent là où il se trouve : chez les pauvres. D'accord, ils n'en ont pas beaucoup, mais ils sont si nombreux ! » Quelle différence alors avec l'usure classique à laquelle les IMF prétendaient soustraire nos bons pauvres ? Ah, mais là, c'est de l'usure éthique, camarade ! Aaaah bravo !
Le 14 mai, un reportage d'Envoyé spécial, « Le banquier des pauvres », montrait la dérive des IMF au Bangladesh vers des pratiques déguisées de crédit à la consommation. « En quinze ans d'emprunt, je n'ai jamais réussi à rembourser », témoignait un vendeur de beignets. En effet, l'emprunt servant à couvrir les besoins immédiats autant que les dépenses exceptionnelles, le travail d'arrache-pied ne permet plus de faire face, surtout quand les agents de crédit incitent leurs clients à s'octroyer un nouveau prêt auprès d'un autre IMF pour rembourser le précédent. Selon un professeur bengali, le surendettement toucherait 78 % des microdébiteurs.
En 2005, dans le seul état indien de l'AndhraPradesh, on a noté des dizaines de cas de suicides sous la pression des créanciers – du harcèlement verbal et sexuel à la confiscation des biens. Gênées aux entournures par ces scandales, les IMF ont décidé d'adopter un code de conduite stipulant que « les pratiques de recouvrement des créances des prestataires ne [devaient] être ni abusives ni coercitives ». En voulant transformer les pauvres en micro-entrepreneurs, souvent au détriment de solidarités communautaires basées sur l'agriculture vivrière et le troc, la pseudo-panacée du microcrédit tombe le masque et se révèle une pure main basse financière sur l'économie informelle, éclipsant au passage les politiques de mise à sac des droits sociaux et la nécessité d'une redistribution générale des richesses [3].
Moralité : l'argent, c'est pas fait pour les pauvres !
[1] 85% des béneficiaires des microcrédits sont des femmes, considérées meilleures gestionnaires que les hommes.
[2] Vers le nouveau capitalisme, Lattès, 2008.
[3] À lire : Élisabeth Hofmann, Kamala Marius-Gnanou, « Le microcrédit est-il le faux nez du néolibéralisme ? », Les Cahiers d'Outremer, n°238, 2007.
http://www.cequilfautdetruire.org/
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