Le Jatropha : l’espoir déchu des agro-carburants
Le Jatropha : l'espoir déchu des agro-carburants
A plusieurs occasions j'avais dénoncé les dangers inhérents à la généralisation des agro-carburants, agricultures intensives, OGM, déforestations, arrosages intempestifs, pesticides, insecticides, et ceci en occupant la terre nourricière pour la production d'énergie, augmentant de fait les risques de famine. Mais les obsédés de la croissance verte, du green-business, n'en sont pas restés là et pensaient avoir trouvé la solution avec le jatropha, plante que l'humain ne consomme pas et qui soi-disant pouvait pousser dans les déserts là où il est difficile de faire sortir la moindre pomme de terre.
C'est raté… mais jusqu'où iront-ils avant de comprendre que la seule solution est de réduire nos consommations d'énergies, quelle qu'en soit l'origine! Cécile Casier a tout résumé dans l'excellent article qui suit
Dans un précédent rapport intitulé « Le Piège Jatropha », paru en juillet 2010, l'organisation des Amis de la Terre dénonçait l'accaparement massif de terres fertiles au profit du développement des agro-carburants, et plus particulièrement du jatropha (1).
Mais la concurrence alimentaire qu'introduit la production de jatropha, sous couvert de lutte contre les changements climatiques, est d'autant moins légitime que cette plante, pourtant vantée par les partisans des agro-carburants comme la « plante miracle », n'est pas à la hauteur de ses promesses.
Afin d'amadouer les investisseurs potentiels, les compagnies européennes d'investissement promeuvent le jatropha comme la garantie d'un retour sur investissements avec une culture sur des terres marginales (non agricoles) en Afrique, Asie et dans les Amériques du Sud et centrale. Or, comme en témoigne le dernier rapport des Amis de la Terre sur cette question, « Jatropha : l'argent ne pousse pas sur les arbres », cette publicité est pour le moins mensongère.
Qualifiant ces promesses de non réalistes, Paul de Clerck, coordinateur du programme Justice économique des Amis de la Terre, a en effet déclaré : « De nombreux projets ont déjà été abandonnés car les rendements étaient bien en-dessous des promesses, même sur de bonnes terres. Investir dans de grandes plantations de jatropha n'est ni rentable économiquement, ni durable environnementalement. ».
Parmi les divers points soulignés dans le récent rapport de l'ONG, outre la remise en question d'un retour sur investissements et le prétendu choix de terres marginales, les besoins en eau de la production de jatropha semblent problématiques. En effet, la plante nécessiterait des apports en eau significatifs, particulièrement aux premiers stades de son développement.
Selon l'association, plusieurs études suggèrent même que le jatropha nécessite plus d'eau que n'importe quelle autre culture bioénergétique pour produire la même quantité d'huile. Loin de l'image valorisante que l'on veut lui conférer, la production de jatropha pâtit, en outre, d'une mauvaise résistance aux maladies, d'où le recours aux pesticides. Mais ces inconvénients ne sont rien en comparaison des préjudices causés aux populations locales, confrontées à une compétition alimentaire accrue et contraintes de se déplacer.
Pour Mariann Bassey, coordinatrice du programme Alimentation et Agriculture du groupe Environmental Rights Action / Amis de la Terre Nigeria : « (…) Les prix alimentaires augmentent de nouveau et nos terres nous sont volées pour faire des carburants pour les voitures. Nous voulons une agriculture qui permette de nourrir d'abord les humains ». Si faire peur aux investisseurs, en leur montrant le vrai visage de la production de jatropha, est encore le meilleur moyen de mettre un terme à ce simulacre d'engagement en faveur de l'environnement, il est à craindre que d'autres voies se proposent aux acteurs de la course aux agro-carburants.
En 2008, les plantations de jatropha s'étendaient sur 900 000 hectares dans le monde, dont 760 000 en Asie, 120 000 en Afrique et 20 000 en Amérique latine. Mais selon le rapport de la FAO et du FIDA, d'ici 2015, elles pourraient être multipliées par 13 pour atteindre 12,8 millions d'hectares à l'échelle mondiale. Les plus gros pays producteurs seraient alors l'Indonésie en Asie, le Ghana et Madagascar en Afrique, et le Brésil en Amérique latine.
Cécile Cassier
1Le jatropha est un arbuste de plus en plus cultivé pour ses fruits riches en huile et pour sa capacité à survivre dans des conditions arides.
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