Anarchisme et décroissance
Anarchisme et décroissance
Le monde libertaire hors-série n°42 (7 juillet-7 septembre 2011)
Depuis Thoreau, il existe des rapports historiques entre anarchisme et écologie, pas systématiques, mais bien réels (Louise Michel, Kropotkine, Reclus, Butaud et Zaïkowska, Bookchin et bien d’autres). À côté de l’harmonie sociale, il s’agit de réfléchir sur une harmonie entre l’homme et l’espace qu’il occupe, et de réfléchir sur la qualité même de la vie que l’on veut construire individuellement et socialement.
Dans le paysage actuel de l’écologie, la décroissance est un mouvement tout aussi varié que l’anarchisme l’est au sein de l’histoire du socialisme, mais il est possible de relever un certain nombre de points communs entre ces deux courants, et pourquoi pas d’opérer des rapprochements, sur la base de convergences réelles dans certaines pratiques concrètes.
Tout d’abord le souci de relocaliser la production et les structures sociales, à une échelle plus humaine, plus proche de chaque individu, de sorte que le processus économique ne lui échappe plus. On parle ainsi de circuit court, plus concrètement d’amaps, de sels, etc. Dans la décroissance, ce souci se double d’une prise en compte des conséquences de la débauche d’énergies fossiles utilisées pour le transport de la production, au sein d’une économie mondialisée. Dans l’anarchisme, il s’agit davantage de rendre à l’homme sa capacité politique d’action et de contrôle dans la gestion de sa vie, et de la production de ce dont il a réellement besoin, à travers la construction politique d’un fédéralisme des communes.
Dans le même ordre d’idée, anarchisme et décroissance se soucient aussi d’une reconquête des savoirs de base, qu’il s’agisse de se nourrir, de se vêtir, de se loger. L’éducation, non spécialisée, mais polytechnique, à la fois abstraite et concrète, joue un rôle central dans l’histoire de l’anarchisme, à la fois comme tactique de propagande de fond, mais aussi comme adaptation des moyens et des fins, reconquête d’une capacité à être plus autonomes. Chez les anarchistes, il s’agit tantôt de la vieille tradition proudhonienne de l’autogestion ouvrière, teintée d’une nostalgie de l’artisan maître de sa propre production, s’arrachant à l’aliénation des bagnes industriels, tantôt de l’esprit « do it yourself », « fais-le toi-même », consistant à ne plus dépendre du monopole capitaliste du savoir technique. Chez les décroissants, il s’agit de retrouver des savoirs simples pour répondre à des besoins simples et quotidiens.
On retrouve aussi dans les deux courants la préoccupation majeure de retrouver du temps à soi, du temps pour vivre, du plaisir. Chez les anarchistes, issus du courant socialiste, cet objectif découle de la critique anticapitaliste du « surtravail », le temps que le patron impose au travailleur, en plus de la rémunération de son travail réel, pour dégager la fameuse « plus-value » qui nourrira et reproduira le capital. Chez les décroissants, il s’agit de peser temps de travail et satisfaction de besoins et de les mettre en balance, ou dit autrement, de déterminer ses besoins individuels réels et d’ajuster son temps de travail à ces besoins, sans plus s’encombrer de gadgets inutiles.
Sur la critique du capitalisme, la décroissance développe une critique assez originale du capitalisme, assez peu développée dans les courants socialistes traditionnels. Cette critique porte sur deux aspects du capitalisme : le capital consiste en une accumulation, que l’on nomme croissance. La croissance du capital est donc indissociable de l’idéologie capitaliste. S’attaquer à l’idée de croissance, que le capitalisme déguise en « progrès » social alors qu’il en est souvent le fossoyeur, est donc un angle intéressant de lutte. De même que de s’attaquer à la sacralité de l’innovation technologique, qui serait toujours facteur de progrès, alors que la nature même de la technologie développée répond toujours aux besoins de la société qui la développe. Une société policière produira de la technologie de surveillance, une société centraliste, étatique développera le nucléaire, une société capitaliste développera des puces RFID, de l’armement, etc.
D’autre part, la décroissance complète la critique socialiste traditionnelle du processus de production capitaliste en s’attaquant aussi, au bout de la chaîne de production, au maillon de la consommation, bref à l’acte d’achat, sans lequel le capitalisme n’existe pas. La décroissance critique la consommation dans ce qu’elle a souvent de factice, d’aliéné, avec son cortège publicitaire, sa bande sans fin d’innovations sans intérêt, de pseudo-progrès… Dans le capitalisme, la production ne répond en effet pas aux besoins humains : la production s’arrange pour créer et même dicter le besoin. Enfin, et c’est le corollaire direct, la décroissance s’intéresse profondément à la nature de la production et – ce qui est la même chose – à son but réel ; en tant que courant écologique, elle critique vertement les aspects nuisibles de la production humaine actuelle, aussi bien envers l’homme qu’envers son environnement (dont l’homme dépend, ce qui revient au même).
On comprend que certains anarchistes aient donc été parfois proches de ces questions écologiques.
Dans la pratique, si des anarchistes de tendance sociale ont eu des préoccupations écologiques réelles (Reclus, Kropotkine, etc.), certains anarchistes ont aussi tenté de vivre d’une façon qu’on pourrait qualifier de « décroissante » aujourd’hui ; en particulier dans les milieux anarchistes dits « individualistes » au début du XXe siècle, qui prônaient la possibilité de s’émanciper ici et maintenant du capitalisme et du système social mortifère qu’il engendre, en vivant en communautés. Qu’on songe aux milieux libres d’Aiglemont, de Bascon, de Vaux… où se posaient sérieusement des questions comme l’abolition de l’alcool, du tabac, le retour à la terre, végétalisme et même le naturisme.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que ces pratiques et questionnements radicaux sur les besoins réels de l’homme aient surtout été portés par des individualistes. En effet, le courant communiste a parfois privilégié une certaine admiration du progrès technique, une certaine incantation à l’autogestion qui, toutes modernes qu’elles étaient, ne prenait pas forcément en compte la critique nécessaire de la nature de la production elle-même dans le processus de l’aliénation humaine : autogérer oui, mais quoi, des usines d’automobiles, de missiles, de cravates, de pesticides ? Pas étonnant que des individualistes, qui se méfiaient du communisme pour sa faiblesse critique à l’égard du productivisme et du travail, aient ainsi rejoint une pensée écologiste. On pourrait même dire que l’écologisme a pu parfois jouer le rôle d’un champ de la critique du capitalisme, sur les questions dont les courants communistes traditionnels, léninistes, et même parfois libertaires, n’avaient pas toujours su (assez) se saisir.
Pourtant, la gestion communiste libertaire elle aussi, comme dans la proposition décroissante, implique de discuter ensemble des besoins individuels et collectifs réels, d’organiser socialement leur satisfaction dans la durée, et donc de faire en fonction des ressources réelles existantes, sur le long terme. Décroissance et anarchisme sont des pensées du long terme, opposées au court terme du capitalisme fondé sur le profit le plus immédiat possible, au détriment de l’environnement réel.
Il y a donc clairement un champ de réflexion critique et d’expérimentation commun à l’anarchisme et à une certaine frange de la « décroissance ».
Néanmoins, la décroissance à laquelle les anarchistes pourraient s’intéresser aujourd’hui ne saurait faire l’économie d’un certain nombre de remarques et de critiques, portant sur certains aspects moins reluisants de la décroissance. C’est pourquoi, si elle est à construire, la décroissance doit, selon nous, être libertaire.
Pour commencer, et ce n’est pas un hasard si je parlais juste avant du courant anarchiste individualiste, la décroissance part toujours de la remise en cause individuelle face au système. La décroissance a toujours pour discours de dire aux individus qu’ils sont responsables, qu’ils sont le début et la fin du système, et qu’ils portent donc le poids de l’existant. Ce qui n’est sans doute pas totalement faux, mais prête le flanc à de nécessaires critiques. Tout d’abord, ce discours est assez inaudible, voire carrément insupportable, lorsqu’on l’applique à beaucoup de gens qui très concrètement, dans leur vie quotidienne, ne peuvent faire autrement que de se servir d’une vieille bagnole qui pollue, que d’acheter de l’alimentation issue de l’agriculture industrielle, etc., tout simplement parce que leur condition sociale ne leur permet pas le luxe de faire autrement.
D’autre part, qui sert-on vraiment avec un tel discours ? Qui a intérêt à culpabiliser les individus, sinon le capitalisme véritable responsable du désastre social et écologique actuel ? Il est significatif de voir la capacité actuelle des firmes les plus pollueuses à se recycler dans un discours écologiste. Et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, comme on vient de le dire, il s’agit d’occulter les responsabilités réelles des vrais pollueurs. Ainsi, les plus gros pollueurs de France sponsorisent Ushuaïa de Hulot, ou financent le film Home de Yann-Arthus Bertrand, dans le seul but de dire qu’au fond, c’est l’homme qui est fou et qu’il faut changer d’attitude dans la consommation. Rideau de fumée…
Développer les « réflexes écocitoyens » permet à ces mêmes capitalistes de faire sous-traiter la gestion des nuisances corollaires à leurs productions lucratives par les consommateurs gogos, qui se font ainsi plumer au grattage lorsqu’ils produisent en usine en se faisant exploiter, au tirage lorsqu’ils achètent les gadgets produits, et dans le caniveau lorsqu’ils font le tri sélectif, ramassent les ordures sur les bords des rivières ou les galettes de mazout sur les plages atlantiques, ou encore font de la récupération dans les dépotoirs du système. Et l’on fait passer cette gestion de la merde en sous-traitance, à grand renfort de discours citoyennistes de l’État récemment converti aux valeurs « écologistes », pour de la responsabilisation… Il s’agit un peu de la même tartufferie que celle de ces vieux patrons paternalistes donnant quelques oboles pour des œuvres de charité, et incitant leurs ouailles salariales à pratiquer la charité pour aider les pauvres et les malades qu’ils ont eux-mêmes fabriqués par le chômage, la précarité et l’exploitation salariale.
L’anarchisme lui, sur ce point, est clair : il a toujours été un courant politique, portant certes un discours de responsabilisation individuelle, mais aussi collective, à travers un projet social, prenant donc en compte le fonctionnement global du système pour porter la critique là où elle doit l’être, c’est-à-dire au cœur de la bête.
La décroissance ignore ainsi souvent que le capitalisme peut créer de nouveaux besoins « verts » pour de nouveaux marchés de consommation, destinés à un public de classes moyennes en quête de nature et de spiritualité new-age. Oui, le capitalisme peut faire du fric avec la décroissance, lorsque celle-ci n’est qu’une religiosité, qu’un style de vie.
D’autre part, en critiquant le capitalisme sous l’angle de la croissance et de la société de consommation, la décroissance ignore une critique socialiste pourtant cruciale : ainsi, le capitalisme traverse des crises inévitables se traduisant par des récessions, qui lui permettent de muter et de se réorganiser. Le capitalisme n’est donc pas si rétif que cela à la décroissance, puisqu’il la fabrique de fait et l’impose même parfois sous couvert de ce qu’il est tenu d’appeler des « crises ». Il sait se servir du chômage et de la misère, de l’austérité et des famines pour continuer à prospérer, pour permettre à certains d’accumuler plus encore de fric et de pouvoir.
Autre faille critique : le capitalisme, s’il en donne l’image ou plutôt le spectacle, n’est pas une société de l’abondance ! Bien au contraire, il développe une société de fausse abondance et se fonde plutôt sur la production, l’organisation et la gestion de la rareté… Voir le capitalisme comme le culte de l’abondance, c’est le voir avec des yeux de l’occidental de classes moyennes, qui est bien seul à croire que le monde entier a aujourd’hui de quoi manger, de quoi se loger correctement… alors que le capitalisme est précisément fondé sur l’organisation de la pauvreté, sur la faim, sur le mal-logement, bref sur la privation d’une partie de l’humanité, afin de créer la valeur capitaliste. Bref, le capitalisme peut non seulement survivre à la décroissance, mais en réalité, c’est même lui qui la fabrique et l’impose régulièrement à la tranche de la population la plus exploitée, afin de se préserver. Pour prendre un chiffre significatif, la Terre produit actuellement de qui nourrir 12 milliards d’êtres humains, ce qui représente près de deux fois plus que ce qui est nécessaire ; et pourtant un milliard d’êtres humains sont en sous-nutrition, pendant que les supermarchés jettent 30 à 40 % de leurs denrées alimentaires plutôt que de les donner. Ainsi, la proposition politique libertaire, si elle ne peut éluder la question des limites des ressources naturelles, nuance tout de même le constat de ces limites : réduire sa consommation n’est pas la piste unique, la piste politique demeure centrale.
Écartons aussi la fraction dite « primitiviste » d’un certain courant décroissant, prônant un retour radical à une mère Nature pure et bonne, largement fantasmée, flirtant ainsi avec un certain discours religieux, voire une certaine frange de l’extrême droite dans un discours radicalement antisocial, antitechnologique 1 et malthusien au plus mauvais sens du terme, et dont les angoisses survivalistes ne rappellent finalement, comme dans un miroir déformant, que la soumission radicale à la loi du plus fort, aux principes les plus fondateurs de la pensée capitaliste néolibérale actuelle.
Dernier travers de certains décroissants : celui de parfois délaisser les luttes sociales et politiques, en pensant changer le monde « à sa petite échelle » à travers sa petite individualité ou communauté décroissante, et que cela seul marchera et suffira. Or, en dehors même du questionnement éthique que peut éventuellement soulever une telle attitude de repli au sein d’un monde injuste et inégalitaire, la pérennité de tels ilots décroissants (ou même libertaires) dans un monde autoritaire et capitaliste est impossible ; et la croyance en la possibilité qu’ils puissent changer vraiment le monde ne peut être qu’une illusion. Et ce, pour plusieurs raisons ; tout d’abord, ces projets ne peuvent jamais être autarciques à 100 % : d’un point de vue strictement matériel, il faudra bien toujours acheter ou du moins échanger, pour obtenir ce qui manque, ce qui n’est pas produit sur place ; ce qui poussera les gens d’une part à se salarier, donc à subir l’exploitation capitaliste et à collaborer au système par l’acceptation de l’échange capitaliste et monétaire comme pis-aller, d’autre part à réduire leurs besoins jusqu’à une certaine ascèse, qui ne saurait véritablement représenter un projet social imposable à tous.
De même, il est impossible d’échapper à l’environnement écologique : un jardin collectif ne pourra pas éviter les questions de la qualité des sols, de l’eau, ni les épandages de pesticides, etc., qui sont des questions sociales. Ni à l’environnement politique : ces projets, s’ils prennent de l’importance, devront passer vite sous les fourches caudines des autorités politiques locales, subir les tracasseries légales, judiciaires, fiscales, et parfois même policières ; bref, l’État. Il faudra se compromettre pour survivre, renoncer à une partie de son indépendance en échange de subventions, payer des impôts et engraisser l’État. Enfin, si le projet devenait réellement menaçant pour l’ordre capitaliste, il serait tout simplement réprimé, y compris par la force… L’histoire enseigne hélas avec assez de cruauté ce qu’il est advenu aux collectivités diverses de gens ayant décidé de reprendre réellement et politiquement leur vie en main à travers des projets de ce type ayant rencontré une relative réussite. La réussite fut bien vite stoppée par les armes.
Les anarchistes, s’ils sont souvent impliqués dans des scops, jardins collectifs, sels et autres projets d’économie locale, s’impliquent aussi dans le politique et le social, car ils ne croient pas aux îlots décroissants, ni même libertaires, et savent que si la démarche individuelle et la reprise en main de sa vie ici et maintenant ne peut attendre le grand soir, elle ne peut s’accomplir durablement que par une dynamique, un processus social de rupture révolutionnaire et radicale avec la société actuelle. Seule l’abolition, au niveau global, des rapports sociaux de domination (hiérarchie, État) et d’exploitation salariale (capitalisme) de l’homme par l’homme peut permettre à de tels projets d’autonomie de devenir des projets d’émancipation réelle.
De toute façon, il est hors de question de se contenter d’occuper les interstices que le pouvoir peut laisser plus ou moins à dessein à ses contestataires pour les canaliser. Le système englobe aujourd’hui tout le vivant et l’existant : il est impossible de le déserter. Il faut reconquérir les espaces géographiques, politiques, productifs, pour les subvertir – et non les fuir.
Or une bonne partie des courants décroissantistes – s’ils sont généralement critiques à juste titre au sujet d’un manque de réflexion du courant socialiste en général sur la nature de la production et la nécessité d’une réflexion pratique sur un changement de la consommation et de la vie – fait une cruelle impasse sur la nécessité de l’abolition de l’État et du capital. Nombre de ces courants préconisent un capitalisme repeint en vert, avec des patrons et des salariés. Nombre de ces courants s’organisent avec la gauche classique à travers les Verts, ou encore en parti pour la décroissance, ignorant ainsi que la structure même de l’État, du pouvoir et des élections représentatives, qui sont la structure politique même de la déresponsabilisation, est la base fondamentale du capitalisme qui ronge l’humanité et la planète, à savoir la séparation à la fois entre les hommes, et entre les hommes et les conséquences, et donc la possession réelle de leurs actes. Sans parler du rôle essentiel des États dans le processus de développement des multinationales. Ce silence d’une grande partie du mouvement décroissant à l’égard du rôle fondamental de l’État dans le désastre capitaliste, et donc écologique, va à l’encontre de ce qui est pourtant censé fonder une partie de l’idéologie décroissantiste et aussi (et surtout) anarchiste : la responsabilisation individuelle et collective, qui implique la conscience et la volonté d’une rupture claire avec le système capitaliste et l’État.
Le terme même de « décroissance » porte en lui à la fois une richesse polémique et les germes d’un possible réformisme qui pourrait être fatal à ses fondamentaux. Ainsi, je pense qu’une décroissance conséquente ne peut éluder la nécessité d’une évolution sociale, d’un progrès, d’un développement de la liberté humaine, et que la critique de la « croissance » doit impérativement être claire avec le fait que l’objet critiqué est bel et bien la croissance capitaliste. Une fois cela posé, une autre remarque semble s’imposer : le préfixe « dé », s’il suppose une sortie de la croissance et donc du capitalisme, peut signifier une espèce de sortie lente, graduée, « peu à peu », bref, réformarde et légaliste, du capitalisme. Bref, un aménagement de plus, se compromettant avec le fond et les méthodes du capital pour se maintenir. Pour les anarchistes, il est clair que si l’on sait reconnaître un acquis, l’on ne transige néanmoins pas avec le but poursuivi, qui est l’éradication du capitalisme et de l’État.
On ne lutte pas contre le capitalisme avec des entreprises capitalistes « vertes », mais l’expropriation capitaliste et l’autogestion généralisée. On ne lutte pas contre l’oppression du pouvoir en recourant à des modalités politiques étatisantes, globalisantes, centralistes, représentativistes (du genre élections), mais avec l’affirmation du fédéralisme libertaire, de l’association libre des individus et des groupes humains sans hiérarchie.
Pour conclure, je pense que les anarchistes auraient tort, vu la rapidité de transformation de l’environnement et ses conséquences, de ne pas se saisir des questionnements qu’apporte la décroissance pour aiguiser leur critique de l’autorité et de l’exploitation, et construire un anarchisme prenant en tenaille l’État et le capital, sous le double volet de la lutte sociale et du développement d’alternatives, ici et maintenant, de vie et de consommation. C’est un entraînement, c’est un laboratoire d’idées et de pratiques, et c’est aussi la possibilité d’une – relative – indépendance. Rappelons que les mouvements sociaux révolutionnaires du passé ont souvent été accomplis par des ouvriers qui avaient encore un pied dans le monde rural et les savoirs artisanaux, ce qui leur permettait de tenir des grèves longues.
Mais je pense aussi qu’ils ne sauraient développer la notion de « décroissance » de façon positive, pour l’anarchisme comme pour la décroissance, qu’en insistant sur la clarté d’une décroissance libertaire, ce dont, entre autres organisations, la Fédération anarchiste débat depuis plusieurs années notamment. Reste à poursuivre la dynamique, à élargir le champ des possibles et pour cela, toujours est-il qu’il ne faudra pas être décroissant en termes d’efforts !
John Rackham
1. En complément de ces observations et analyses, on peut se reporter à l’article de Marc Silberstein, « Cucurbites ? Assez ! De quelques considérations sanitaires, scientifiques, économiques et médiatiques entremêlées », Le Monde libertaire n° 1641 (23 juin-6 juillet 2011). (Ndlr.)
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