Le Ragondin Furieux

Le Ragondin Furieux

VERS L’ABIME ? (1)

VERS L'ABIME !

Cet excellent article de P. Mignard résume en grand partie les problèmes de nos sociétés. Le paragraphe en écriture italique grasse donne l’une des solutions pour laquelle nous sommes quelques uns à œuvrer à travers la relocalisation et en s’appuyant sur la mise en place de contre-pouvoirs.

Car effet, il apparait de plus en plus évident qu’une révolution parait peu probable et surtout risque d’être incomplète et reprise en main par l’hégémonie capitaliste comme c’est le cas actuellement des révoltes arabes.

Quant aux élections il serait naïf de croire qu’elles pourraient apporter un quelconque changement sur le fond si ce n’est que quelques replâtrages qui feront illusions avec le risque de conforter un peu plus le système. C’est d’ailleurs ce qui nous attend si par hasard les socialos reviennent au pouvoir, voire avec un FdG, molle filiale gauchisante du PS.

Il y a donc un énorme travail de terrain à entreprendre, à continuer, et en premier à décoloniser les imaginaires formatés par la pensée unique afin de stopper cette chute "vers un abime" ou nous précipite de jour en jour un consentement inconscient. (Préface de M.M.)

VERS L’ABIME ?

 Par Patrick MIGNARD

Bien sûr, il est toujours dangereux, voire contreproductif de « crier au loup ». Pourtant, en certaines circonstances cet appel est nécessaire parce que le loup est effectivement là.

La sonnette d’alarme a été activée depuis longtemps au point que le cordon nous est resté entre les mains et que, petit à petit, nous nous laissons, par notre impuissance à analyser les situations, à accepter les solutions « prédigérées », et à notre incapacité à concevoir des stratégies nouvelles,… glisser vers le chaos.

 UN POURRISSEMENT GÉNÉRAL

 Les « affaires » et scandales d’Etat qui se multiplient, n’en finissent plus et occupent l’essentiel de l’actualité pourraient paraître anecdotiques si elles ne touchaient que la classe politique, traditionnellement corrompue. En fait le mal est nettement plus profond et plus grave. C’est l’ensemble du corps social, de la société civile, qui entre en décomposition,… les « affaires d’Etat » n’étant qu’un révélateur du mal qui ronge notre société.

 L’Histoire est pleine de ce genre d’épisodes où, lentement, subrepticement, sans que l’on s’en rende vraiment compte, les esprits se corrompent, les consciences s’obscurcissent, voire s’éteignent, le sens critique s’émousse et la fatalité gagne au point de laisser, à une bande de parvenus et de démagogues sans scrupules, les affaires publiques.

 Le mensonge, la félonie, le népotisme, l’injustice, l’arrivisme, la démagogie… sont érigés en pseudo « valeurs » morales sous le sobriquet ridicule de « droite décomplexée »… ou de « gauche réaliste ».

 Le dialogue, aussi vain qu’il puisse paraître, entre les dirigeants et le corps social est quasi totalement rompu. Seuls, des médias complaisants à l’égard de ceux-ci entretiennent la fiction d’un fonctionnement qui se veut transparent et démocratique de l’ensemble social. La pression, le chantage, le mensonge, l’espionnage, la désinformation et la violence sont devenus des méthodes quotidiennes de gouvernement…

 La pseudo adhésion à la classe politique n’est en fait que l’expression d’un désarroi qui fait dire à beaucoup : « Qui pouvons nous ?... Faut bien qu’il y ai quelqu’un ! Celui là ou un autre !... »

 Tout ce que le mouvement social avait conquis, d’amélioration des conditions de vie, depuis un demi-siècle est en voie de liquidation pour satisfaire les puissances économiques et financières assoiffées de profits… sans que, en dehors de quelques protestations symboliques (grèves de 24 heures et manifestations folkloriques à répétition) la moindre réaction sérieuse et conséquente n’ai lieu.

 Ce pourrissement général entraîne, comme l’Histoire du 20e siècle nous l’a montré, l’émergence sur le plan politique, de forces qui, sachant habilement exploiter la misère, l’écoeurement général et la perfidie des tenants du pouvoir, essaye d’instaurer un état fort au profit d’une nouvelle maffia sans changer évidemment les fondamentaux du système. L’expérience du 20e siècle montre que ce processus n’avait rien d’hypothétique et qu’il pourrait, une fois encore, et sous la pression des évènements, se reproduire.

 UN TISSU SOCIAL EN DÉCOMPOSITION

 Prenons trois exemples très significatifs de cette décomposition.

 

Le monde du travail

 

Il est aujourd’hui à la dérive, aussi bien dans ce qui le structurait que dans ses perspectives.

 Le lien social salarial, nécessitant, pour l’appareil de production capitaliste, d’une force de travail et son utilisation dans le cadre national a assuré pendant des décennies une relative stabilité de l’ensemble – les conflits internes au système ne l’ont jamais remis en question.

 Ceci a donné naissance à une société ; certes conflictuelle (revendications diverses…), mais somme toute stable, voire offrant une relative sécurité aux salariés (emploi, santé, retraites, services publics,…).

 L’ouverture massive au monde, du capital, la décolonisation, le développement des moyens de transports et de communication, ont brisé, pour les anciens pays industrialisé, cette relative stabilité.

 L’internationalisation du capital a rendu obsolètes les politiques économiques nationales. Les marchés, y compris celui de la force de travail, sont devenus mondiaux.

Ce qui faisait la spécificité nationale du lien social a été anéanti : on peut trouver ailleurs une force de travail moins chère, voire en faire venir en la payant moins.

 Le consensus économico-social, quoique conflictuel, a été rompu, la lente perte des acquis sociaux a commencé.

 

Le syndicalisme, qui constituait le fer de lance de la défense des salariés et de leurs désirs de conquêtes sociales, est exsangue, non seulement incapable de conquérir de nouveaux acquis sociaux, mais même de conserver les anciens. Souvent, devant le chantage patronal à la liquidation d’entreprise, ils – les syndicats - sont désavoués par les salariés qui préfèrent assurer leur emploi. Les syndicats sont de fait devenus obsolètes.

 La pensée ultra libérale, fondée sur une rationalité à courte vue et confortée par une légitimité acquise à coup de démagogie, détruit ce qui reste de lien social. La société devient une véritable jungle où c’est désormais « chacun pour soi ».

 Travailleurs pauvres, statuts précaires, chômeurs, assistés, sont en passe d’être la norme d’un système fondé essentiellement sur la réduction des coûts et les gains à tout prix,… sans égard pour les dégâts sociaux provoqués.

 Un exemple significatif de ces dégâts sont les banlieues aujourd’hui.

 Les banlieues

 Pour quiconque veut être lucide et s’informer, elles sont au bord de l’explosion.

 Les anciennes cités ouvrières ou régnaient des activités culturelles, syndicales, associatives sont devenues en quelques décennies des ghettos de pauvres, d’exclus où se crée un « nouveau lien social », celui des bandes et des dealers, celui des trafics et la recherche d’une nouvelle identité au travers de la religion.

 Ce « nouveau lien social », qui s’étend, exclu à son tour celles et ceux qui le refusent,… qui partent,… surdéterminant le processus de ghettoïsation de la cité.

 Le « système d’intégration républicain » a complètement fait faillite.

 Le recours à la répression apparaît alors n’être que la seule réponse des politiciens à une situation qu’ils acceptent, qu’ils gèrent pour donner le change à une opinion publique qui s’interroge sur les raisons d’une telle décadence sociale. Avec l’appui complaisant de la plupart des médias, ils donnent le spectacle de la fermeté dite « républicaine »,… le temps d’un évènement monté en épingles devant les caméras,… et de préférence la veille d’élections. L’essentiel des aides sociales – sensées compenser les inégalités et l’exclusion – est abandonné aux associations caritatives, de charité,… ce qui permet de réduire – conformément à la pensée libérale – les budgets sociaux.

 La situation actuelle des banlieues, conséquence logique du fonctionnement du capitalisme, donne une idée de la tâche à accomplir : une refonte complète du système de relations sociales… ce qu’aucune force politique n’envisage sérieusement, et n’est d’ailleurs capable.

 

L’écologie

 

La découverte officielle des ravages causés sur l’environnement par les conditions de la production marchande, ne s’est fait que sur le tard,… et encore parée de bien des hésitations.

Les gestionnaires politiques du système, de droite comme de gauche, se sont alors trouvé devant un dilemme :

 

- soit reconnaître le bien fondé des accusations de destruction de l’environnement par le fonctionnement du système dont ils sont les garants ;


 - soit nier en bloc.

 

La sensibilisation de l’opinion publique – et donc l’impact probable sur les résultats électoraux (seule chose qui les intéresse !), a obligé les politiciens à tenir compte de ces nouveaux paramètres.

 

Ne reniant en rien les fondements d’un système fondé sur l’exploitation illimitée des ressources naturelles et la maximisation des profits, ils ont usé et usent toujours du double discours… repeignant subtilement en vert, un appareil économique toujours aussi nocif pour la planète.

 

L’écologie,… ou plutôt les écologistes, se sont parfaitement intégré au folklore politicien, et même pour certains, elle est devenue un instrument de promotion politique et un véritable lobby politique et idéologique. (Des noms ?)

 UNE OPPOSITION ÉTEINTE

Le système dit « démocratique » a abouti à une seule chose : déresponsabiliser le citoyen… ce qui, peu à peu, a donné naissance à une classe politique parasite qui se reproduit au sein de véritables « syndicats d’intérêt », les partis politiques, et dont le seul objectif est la survie du système en place et par la même le sien.

 Ainsi, Droite et Gauche, et apparentés se relaient pour assurer sa pérennité.

 L’opposition radicale, celle qui voulait un changement radical du système a vite cédé la place à une « opposition de consensus implicite » : sa seule radicalité, du moins à celle qui en a, c’est son discours,… pour le reste elle se coule dans les vieilles pratiques obsolètes : élections, participation, manifestations, pétitions..

 Une telle attitude a pu faire illusion tant que, dans le cadre national, le « Capital pouvait payer »… Le Capital ne cédait rien, il ne faisait que s’ « acheter la paix sociale »…. Ce qui correspondait aux intérêts immédiats de celles et ceux (les salariés) qui voulaient améliorer leurs conditions de vie (avantages sociaux / acquis sociaux).

 

On croyait ces acquis sociaux comme définitifs… Erreur !

 La mondialisation du Capital, nous l’avons vu, a rompu ce bel équilibre. Ainsi les marges de manœuvre d’une éventuelle opposition – du moins officiellement reconnue et acceptable par le système – se sont considérablement réduites.

 Aucune opposition n’est en réalité capable aujourd’hui de garantir, si elle parvenait au pouvoir, la récupération des acquis sociaux détruits ces dernières années (retraite à 60 ans, services publics, système de santé,…), la sauvegarde de ceux qui existent encore et à fortiori, la conquête de nouveaux.

 L’expérience des « gauches » au pouvoir en Europe, ces dernières années, en est la triste confirmation.

 Il n’y a donc pas/plus de véritable opposition pouvant offrir une réelle alternative. Le discours oppositionnel est un discours convenu, qui se coule dans le moule de « démocratie formelle », qui garanti d’abord les intérêts fondamentaux du système, mais qui permet aussi, par le mécanisme de la représentation et des promesses électorales, de donner l’illusion au peuple d’une maîtrise, par lui, de son propre destin.

 L’expérience a toujours montré qu’il n’en était en réalité rien,… et qu’une fois l’enthousiasme et les illusions passées, … tout redevenait comme avant. Rien n’avait changé sur le fond.

Il n’existe pas d’instrument ou de méthodes capables de mesurer le degré de patience, de possibilité d’accumulation de frustrations, de glissement progressif vers le désespoir d’une population. Mais l’Histoire montre que tout fini par exploser.

 L’explosion n’est d’ailleurs pas synonyme de changement. Les systèmes résistent, en général, facilement aux forces centrifuges de la révolte. Seule, la lente transformation des relations sociales, des pratiques alternatives, se substituent efficacement au pourrissement du système en place. Elles seules peuvent assurer concrètement un changement durable, en instaurant des modes de vie, de production, de distribution des richesses, mais aussi ce qui est indispensable en façonnant des comportements, un état d’esprit, de nouvelles valeurs.

 L’abîme, c’est lorsqu’on laisser jouer les contradictions du système sans perspective d’alternative.

 Or, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. L’action politique se résume à des déclarations plus ou moins velléitaires, sans lendemain,… ou à des coups de gueule sporadiques. (Des noms ?… Des exemples ?).

 L’abîme c’est quand un système s’écroule, miné par ses contradictions et qu’aucun relais n’est pris. C’est le cas de l’Empire Romain qui à sa chute a vu l’installation d’un chaos politique et social avant qu’un nouveau ordre social s’impose par la force : la féodalité.

 L’abîme ça peut être aussi la réaction du système en place qui, craignant pour sa survie, impose un pouvoir autoritaire dont on connaît tous les dangers potentiels – voir l’exemple du 20e siècle.

 C’est aujourd’hui dans ce cadre incertain que nous évoluons.

 L’avenir n’est pas assuré,… pas plus qu’il n’est rassurant.



04/11/2011
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