Le Ragondin Furieux

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L’Europe comment ça marche !

L'Europe comment ça marche !

 

 

A l'approche des élections pour désigner les députés qui iront siéger au Parlement européen il est assez symptomatique de constater qu'aucun des principaux partis politiques expliquent franchement le fonctionnement dudit Parlement. Pourtant cela ne serait pas inutile lorsque l'on entend le nombre d'inepties racontées à ce propos. Inepties doublées d'une méconnaissance la plus parfaite et volontairement entretenue par des politiciens peu soucieux de faire connaître aux électeurs qu'ils vont aller voter pour un parlement dont on ne peut que constater le peu d'étendue de ses pouvoirs. Cependant, la place est tellement bonne qu'ils ne vont pas dire naïvement: ne votez pas pour nous, vous savez, finalement on ne sert pas à grand-chose… Mais alors, comment ça fonctionne ?

 

Un petit rappel historique. En simplifiant, on peut dire que l'Europe telle que nous la connaissons a commencé en 1986 avec l'adoption de l'acte unique. Concrétisée et complétée par le Traité de Maastricht en 1992, qui finalement est la pierre angulaire sur laquelle repose l'Europe actuelle en y rajoutant toutefois les modifications d'Amsterdam en 1997 pour finir avec celles de Nice. Pour l'instant après le rejet du TCE, et la ratification de Lisbonne qui se fait attendre pour les raisons que l'on connaît, l'Europe fonctionne donc sur la base de Maastricht. Il faut faire savoir aussi que les aventuriers tenaces qui ont tenté et eu suffisamment de constance pour déchiffrer le nouveau mini-Traité, plus long et plus fouillis que la première mouture, ont pu constater à la lecture le nombre important de renvois à Maastricht. En effet, sur le fond peu de choses ont changé puisque l'acte unique avait été le départ de la mise en place d'une Europe essentiellement néolibérale. Un marché européen unifié avec pour moteur l'ouverture à la concurrence comme principal axe de construction. Le droit de concurrence va donc faire œuvre de droit constitutionnel qui laissera de fait les autres textes au simple rang de déclaration d'intentions. Donc concurrence libre et non faussée comme leitmotiv, et l'on parle de temps à autre de façon superficielle d'Europe sociale pour calmer le prolétaire qui voudrait que l'on pense un peu à lui.

 

Donc, pour le fonctionnement des institutions, le Traité de Maastricht et les modifications successives sont encore de rigueur. D'aucuns prétendent que Lisbonne apporterait un peu plus de pouvoir au parlement ce qui est discutable. Si son champ d'application est sensiblement augmenté il n'en reste pas moins que certaines prérogatives de la commission sont immuables, comme le gardiennage des Traités dont elle est la seule détentrice. Par contre la politique étrangère et la sécurité des Etats restent à la décision unanime des Etats.

 

Parmi les institutions on a le Conseil des chefs d'Etas et de gouvernement, le Conseil de l'Union européenne, le Parlement, la Commission, la Cour européenne de Justice. Alors, comment s'articulent les prérogatives de chacun…

 

D'abord les institutions ne parlent pas de loi mais de Directives. Ce qui normalement et étymologiquement ne devrait pas permettre de donner le nom de législation aux décisions mettant en place ces directives, puisque ce ne sont ni loi ni édit. Bref, c'est donc essentiellement la commission qui propose les directives. Néanmoins les commissaires s'appuient sur des initiatives suggérées venant du Conseil des chefs d'Etats et de gouvernement. On comprend mieux avec des dirigeants ultralibéraux, comme c'est le cas dans tous les pays européens, que le sens des directives ne peut être qu'au service du capitalisme.

 

Ainsi qu'on l'a déjà vu, la commission est à l'instar des vestales la gardienne des Traités, ce qui lui octroie le droit d'attaquer auprès de la Cour européenne de Justice un pays qui aurait pris un chemin de traverse.

 

Le Conseil de l'UE a en fait un rôle assez important. Il est composé des ministres des états membres regroupés pour l'occasion par affinité, des castes en quelque sorte. La finance verra tout son cheptel réuni au sein de l'ECOFIN, et ainsi de suite pour les autres disciplines. L'une de ses premières prérogatives est de statuer sur les propositions des commissaires. Refuser, modifier sont ses attributions qui devront être sanctionnées par un vote à la majorité qualifiée ou à l'unanimité, ceci étant déterminé d'avance en fonction des pôles d'intérêts.

 

Maintenant c'est là que ça se complique. Effectivement, pour nombre de domaines, comme les sujets économiques et sociaux, le Conseil de l'UE et le parlement partagent les décisions. On appelle cela par un barbarisme d'ailleurs, puisque l'on dit qu'il s'agit de la procédure de « codécision ». Soit dit en passant, cette façon de faire est souvent à l'avantage du Conseil puisque c'est lui qui confirme ou refuse un vote du Parlement. Par conséquence, un trafic législatif peut durer un certain temps quand le Conseil et le Parlement ne sont pas d'accord ; ce qui est le cas actuellement avec le « Paquet Télécom » qui malgré la modification de l'amendement 138 par la commission Industrie, puis son vote positif au Parlement, pourrait une nouvelle fois se voir refuser par le Conseil Télécom de l'EU.

 

Comme cela peut arriver, le Parlement et la Conseil n'arrivant pas à un accord est désigné alors un Comité de conciliation composé à égalité de membres des deux instances. Quand le Comité rend sa copie avec une nouvelle proposition celle-ci est envoyée pour adoption au Parlement et au Conseil.

 

Si le rôle du Parlement et son champ d'application peuvent paraître réduit, ce qui est effectivement le cas, il lui reste néanmoins deux prérogatives qui sont des sortes d'exutoires, un droit de veto dans certains cas, et la possibilité avec la majorité des 2/3 de d'obtenir la démission collective de la commission. Droit qu'elle a fait valoir une fois en 1999.

 

Donc on peut considérer que le rôle essentiel du Parlement se situe à la marge ne servant qu'à finaliser des décisions prises ailleurs. On peut rajouter que dans le Traité de Lisbonne il y aura 21 domaines desquels le Parlement sera exclus, en entendant par là qu'il n'est pas cité comme codécideur, mais simplement consulté le cas échéant. On avait déjà la politique étrangère et de sécurité (ref TUE 26-1, TUE 31-1 et 2, TUE 36 ; je ne citerai que ces références pour donner un exemple), les tarifs douaniers, une partie de la politique agricole dont le reste revient seul au Conseil, la politique sociale idem en partie, et grande partie de la procédure législative dite spéciale réservée à la décision unanime du Conseil avec avis consultatif du Parlement (TFUE 289) ; et je ne parlerai pas de la politique financière qui est du seul ressort de la Banque européenne où aucun contrôle démocratique n'est exercé.

 

Reste aussi la Cour de Justice qui dans certains cas s'amuse à mettre des bâtons dans les roues du Parlement, disons qu'elle minimise, voire annihile la portée de certaines directives. On se souvient de la directive services dite « Bolkestein » tant décriée, qui après avoir été amoindri dans sa disqualification de la valeur du travail par la Députée socialiste Evelyne Gerbhardt, a été remis en question par les arrêtés de la Cour émis à la suite de plusieurs affaires (Viking, Laval, Rüffert, entre autres). On revient presque au point de départ et les droits des salariés déplacés réduits à minima comme l'avait préconisé Bolkestein, c'était donc pas la peine que les Députés votent si plusieurs jugements de la Cour prévalent sur les décisions du Parlement.

 

Voilà un petit tour vite fait sur le Parlement et qui devrait, j'espère, permettre à certains d'y voir plus clair….

 

 

Pour mémoire, dans le Traité de Maastricht où c'est le plus clair, on trouve les références de ces fonctionnements à partir de l'article 189B et 189C. Dans le TCE plus facile à lire que le Traité de Lisbonne qui en fait est le même on trouve une partie de ces articles à la ref : Article III 396 ; 397.



08/05/2009
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