Le Ragondin Furieux

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Les guerres de l'eau auront-elles lieu ?

Les guerres de l'eau auront-elles lieu ?

 


Dans nos pays développés il est dans nos habitudes de tourner le robinet sans que cela amène à réflexion tant il nous semble naturel que l'eau coulât à flot. Pourtant s'il est un domaine où l'acuité de sa pérennité va faire l'objet de maints enjeux pour les générations à venir c'est bien celui-là. Comme se sujet me préoccupe j'étudie avec minutie les différents articles concernant ce problème de société. J'ai donc trouvé dans Sciences Humaines un article de René-Eric Dagorn intitulé : « Géopolitique de l'eau » qui donne un aperçu des divers enjeux que nous réservent la surexploitation de l'eau. Si l'article m'a paru bien sérier les problèmes dans son ensemble, je lui ferais néanmoins un petit reproche sur le fait de n'avoir pas suffisamment insisté sur l'appropriation de l'eau par les multinationales. En effet, je suis de ceux qui pensent que l'eau devrait être déclarée Bien Commun de l'Humanité comme l'a si bien défini Ricardo Pétréla, donc à nous tous, et non à une oligarchie avide de profit…

 



Géopolitique de l'eau par René-Eric Dagorn

 

Les problèmes géopolitiques autour de l'eau ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Si des tensions existent autour du partage des ressources des grands fleuves, ce sont des questions plus politiques qui structurent les espaces de l'eau : concurrence ville-agriculture, pollution des nappes phréatiques et réfugiés climatiques.

 

Vers une pénurie mondiale ?

 

Les constats de départ sont terribles : plus d'un milliard d'hommes n'a pas accès à l'eau potable ; chaque jour 3 000 personnes meurent pour avoir consommé de l'eau polluée ; dans le bassin de la mer d'Aral, une mer détruite par la surexploitation des deux fleuves qui l'alimentaient en eau, les taux de mortalité infantile atteignent 118 ‰, l'un des plus élevés au monde (en France il est de 3,6 ‰).

 

Et pourtant, l'eau est naturellement une ressource abondante. Sur la totalité de l'hydrosphère planétaire, l'eau de mer salée représente 97,5 % et l'eau douce 2,5 %. L'essentiel de cette eau douce se trouve gelé dans les deux inlandsis géants du Groenland et de l'Antarctique, et dans les glaciers des grandes chaînes montagneuses planétaires. Il reste 0,7 % d'eau douce accessible en surface (cours d'eau, lacs, nappes souterraines). Cela représente 40 000 km3 disponibles par an, largement de quoi couvrir les besoins des sociétés planétaires, même en tenant compte de l'augmentation prévue de la population mondiale (9,1 milliards à l'horizon 2050 d'après la dernière estimation de l'Onu en mars 2009) puisque le monde consomme aujourd'hui 5 500 km3 par an.

 

Contrairement à une idée reçue bien ancrée, ce n'est donc pas l'eau « naturelle » qui compte, mais la capacité des sociétés à fabriquer les espaces permettant d'accéder à l'eau potable.

Or les sociétés et les économies contemporaines sont de plus en plus consommatrices d'eau. Chaque Français consomme 180 litres d'eau par jour pour le simple usage domestique, un Japonais 280 litres, un Américain 295 litres et un Canadien 330 litres. L'eau induite, cachée dans les processus de production économique, est bien plus importante encore : il en faut en moyenne 4 000 litres pour produire 1 kg de riz, et 4 m3 pour produire l'équivalent de 1 mégawatt/heure dans une centrale électrique thermique. Avec le développement économique des pays émergents (Chine, Inde, Brésil…), la demande en eau est en train de croître de façon exponentielle : à elle seule, l'Asie consomme désormais 3 500 km3/an (contre 2 000 km3 pour l'ensemble des autres régions mondiales).

 

De plus en plus de régions à risque à l'horizon 2020

 

Comment accéder à l'eau ?

 

Dans les cours de géographie à l'ancienne, les élèves et les étudiants planchent sur un graphique célèbre : le cycle de l'eau. L'évaporation des eaux océaniques est le point de départ d'une grande boucle planétaire : les 500 000 km3 d'eau qui s'évaporent chaque année se transforment en précipitations à la fois sur les mers (458 000 km3) et sur les terres (120 000 km3 dont 78 000 s'évaporent de nouveau : reste 42 000 km3 d'eaux de ruissellement). Ces dernières se divisent alors en ruissellement de surface (40 000 km3) et en ruissellement des eaux souterraines (2 000 km3). L'ensemble ruisselle jusqu'à la mer… et revient alimenter le cycle continu.

 

Or, s'il faut avoir en tête ces dimensions « naturelles » de la question de l'eau, c'est un autre cycle qui est réellement important aujourd'hui : le cycle de l'eau potable. Car, de la production au traitement, c'est la capacité des sociétés à fabriquer les espaces de l'accès à l'eau potable qui est déterminant : quelles sont les conditions de captage (à la fois économiques, sociales, culturelle, politiques…) ? De distribution ? D'entretien des réseaux ? De collecte des eaux usées ? De dépollution et de traitement ? Ainsi, organiser l'utilisation et la consommation d'eau suppose des approches techniques très différemment maîtrisées par les sociétés : développement de l'irrigation par goutte à goutte, réduction de la pollution dans les secteurs industriels et urbains, diminution des pertes par évaporation ou par fuite en entretenant les réseaux sur le long terme, etc.

 

Toutes les sociétés n'ont pas les mêmes moyens économiques et techniques pour fabriquer les espaces d'accès à l'eau potable. Le récent Forum mondial de l'eau qui s'est tenu à Istanbul en mars 2009 a ainsi estimé que 90 % des trois milliards d'habitants de la planète qui vont se rajouter à la population mondiale d'ici 2050 se trouveront dans des pays en développement où l'accès à l'eau potable et à l'assainissement n'est déjà assuré que de façon limitée et précaire. À court terme, c'est 340 millions d'Africains qui n'auront toujours pas d'accès à l'eau en 2015 et 2,4 milliards d'individus qui, à l'échelle planétaire, n'auront pas accès à un service d'assainissement minimal.

 

Sans compter bien sûr que ce sont les pays du Nord qui auront les moyens de construire les espaces permettant de gérer les dimensions sanitaires du changement climatique et de ses conséquences sur les ressources en eau.

 

Les guerres de l'eau auront-elles lieu ?

 

«  Verra-t-on effectivement des États s'affronter pour l'eau ? » La question était posée l'an dernier par le géographe canadien Frédéric Lassere (1). Les ressources en eau sont, semble-t-il, au centre de tensions géopolitiques croissantes, et le Forum mondial de l'eau de l'Onu en a fait l'un de ces thèmes principaux de réflexion. Un certain nombre d'éléments militent en effet pour cette hypothèse. Alors que la pression démographique se fait plus forte (la population mondiale va encore augmenter de plus de 2,5 milliards de personnes dans les quarante ans à venir), que la demande de niveau de vie à l'occidentale accentue ces pressions, et que le changement climatique va exacerber encore les concurrences potentielles, ce ne sont pas moins de 260 bassins fluviaux qui sont partagés entre deux ou plusieurs États. Déjà des tensions se font sentir. C'est, entre Israël et la Syrie, la question du contrôle du plateau du Golan, au nord-est du lac de Tibériade : annexé en 1981, Israël considère le plateau comme une région à part entière. Une partie des affluents du Jourdain y trouve leurs sources, et Israël y puise 35 % de son alimentation en eau.

 

On retrouve ces mêmes tensions géopolitiques entre l'Égypte et le Soudan sur le Nil, entre la Turquie, la Syrie et l'Irak pour le partage des eaux du Tigre et de l'Euphrate, mais aussi entre les États-Unis et le Mexique sur les eaux du Colorado (encadré ci-contre).

 

Malgré tout, cette liste est déjà révélatrice des limites de l'analyse de futures guerres pour les ressources en eau. Ces litiges n'ont, jusqu'à présent, presque jamais débouché sur des conflits ouverts à grande échelle. Et tous les pays concernés sont lancés depuis plusieurs années dans des processus de discussion et de coopération qui fonctionnent très correctement. Les États et les acteurs internationaux ont tout intérêt à privilégier les partages négociés et non les épreuves de force : le dérèglement climatique en cours – de même que la crise financière – rappelle chaque jour que, dans la « société du risque » (Ulrich Beck), il n'est plus possible de se débarrasser des tensions sur ses voisins, car celles-ci reviennent en boomerang sur ceux qui les produisent.

 

Note :

Frédéric Lasserre, « Guerres de l'eau : paradigme des guerres du XXIe siècle ? », communication au Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, octobre 2008.

 

 http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2008/lasserre/article.html

 

 



25/06/2009
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