L’Insurrection qui vient…suite XV
L'Insurrection qui vient…suite XV
Sixième cercle
« L'environnement est un défi industriel »
L'insurrection qui vient. (142/391)
L'écologie, c'est la découverte de l'année. Depuis trente ans, qu'on laissait ça aux Verts, qu'on en riait grassement le dimanche, pour prendre l'air concerné le lundi. Et voilà qu'elle nous rattrape.
Qu'elle envahit les ondes comme un tube en été, parce qu'il fait vingt degrés en décembre.
L'insurrection qui vient. (143/391)
Un quart des espèces de poissons a disparu des océans. Le reste n'en a plus pour longtemps.
L'insurrection qui vient. (144/391)
Alerte de grippe aviaire: on promet d'abattre au vol les oiseaux migrateurs, par centaines de milliers.
L'insurrection qui vient. (145/391)
Le taux de mercure dans le lait maternel est de dix fois supérieur au taux autorisé dans celui des vaches. Et ces lèvres qui gonflent quand je croque dans la pomme – elle venait pourtant du marché. Les gestes les plus simples sont devenus toxiques. On meurt à trente-cinq ans « d'une longue maladie » que l'on gérera comme on a géré tout le reste. Il aurait fallu tirer les conclusions avant qu'elle ne nous mène là, au pavillon B du centre de soins palliatifs.
L'insurrection qui vient. (146/391)
Il faut l'avouer : toute cette « catastrophe», dont on nous entretient si bruyamment, ne nous touche pas. Du moins, pas avant qu'elle ne nous frappe par une de ses prévisibles conséquences. Elle nous concerne peut-être mais elle ne nous touche pas. Et c'est bien là la catastrophe.
L'insurrection qui vient. (147/391)
Il n'y a pas de « catastrophe environnementale ». Il y a cette catastrophe qu'est l'environnement.
L'environnement, c'est ce qu'il reste à l'homme quand il a tout perdu. Ceux qui habitent un quartier, une rue, un vallon, une guerre, un atelier, n'ont pas « d'environnement », ils évoluent dans un monde peuplé de présences, de dangers, d'amis, d'ennemis, de points de vie et de points de mort, de toutes sortes d'êtres.
Ce monde a sa consistance, qui varie avec l'intensité et la qualité des liens qui nous attachent à tous ces êtres, à tous ces lieux. Il n'y a que nous, enfants de la dépossession finale, exilés de la dernière heure – qui viennent au monde dans des cubes de béton, cueillent des fruits dans les supermarchés et guettent l'écho du monde à la télé – pour avoir un environnement. Il n'y a que nous pour assister à notre propre anéantissement comme s'il s'agissait d'un simple changement d'atmosphère. Pour s'indigner des dernières avancées du désastre, et en dresser patiemment l'encyclopédie.
L'insurrection qui vient. (148/391)
Ce qui s'est figé en un environnement, c'est un rapport au monde fondé sur la gestion, c'est-à-dire sur l'étrangeté.
Un rapport au monde tel que nous ne sommes pas faits aussi bien du bruissement des arbres, des odeurs de friture de l'immeuble, du ruissellement de l'eau, du brouhaha
des cours d'école ou de la moiteur des soirs d'été, un rapport au monde tel qu'il y a moi et mon environnement, qui m'entoure sans jamais me constituer. Nous sommes devenus voisins dans une réunion de copropriété planétaire. On n'imagine guère plus complet enfer.
L'insurrection qui vient. (149/391)
Aucun milieu matériel n'a jamais mérité le nom d'« environnement », à part peut-être maintenant la métropole.
L'insurrection qui vient. (150/391)
Voix numérisée des annonces vocales, tramway au sifflement si XXIe siècle, lumière bleutée de réverbère en forme d'allumette géante, piétons grimés en mannequins ratés, rotation silencieuse d'une caméra de vidéosurveillance, tintement lucide des bornes du métro, des caisses du supermarché, des badgeuses du bureau, ambiance électronique de cybercafé, débauche d'écrans plasma, de voies rapides et de latex.
L'insurrection qui vient. (151/391)
Jamais décor ne se passa si bien des âmes qui le traversent.
L'insurrection qui vient. (152/391)
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