L’insurrection qui vient…suite XIX
L'insurrection qui vient…suite XIX
Loin des uniformes et des sirènes.
L'insurrection qui vient. (180/391)
Qui a connu la joie démunie de ces quartiers de la Nouvelle-Orléans avant la catastrophe, la défiance vis-à-vis de l'État qui y régnait déjà et la pratique massive de la débrouille qui y avait cours ne sera pas étonné que tout cela y ait été possible. Qui, à l'opposé, se trouve pris dans le quotidien anémié et atomisé de nos déserts résidentiels pourra douter qu'il s'y trouve une telle détermination. Renouer avec ces gestes enfouis sous des années de vie normalisée est pourtant la seule voie praticable pour ne pas sombrer avec ce monde. Et que vienne un temps dont on s'éprenne.
L'insurrection qui vient. (181/391)
Septième cercle « Ici on construit un espace civilisé »
L'insurrection qui vient. (182/391)
La première boucherie mondiale, celle qui, de 1914 à
La civilisation n'est plus cette évidence que l'on transporte chez les indigènes sans autre forme de procès.
La liberté n'est plus ce nom que l'on écrit sur les murs, suivi qu'il est, comme son ombre désormais, par celui de « sécurité ».
L'insurrection qui vient. (183/391)
Et la démocratie est de notoriété générale soluble dans les plus pures législations d'exception –par exemple, dans le rétablissement officiel de la torture aux États-Unis ou la loi Perben II en France.
L'insurrection qui vient. (184/391)
En un siècle, la liberté, la démocratie et la civilisation ont été ramenées à l'état d'hypothèses. Tout le travail des dirigeants consiste dorénavant à ménager les conditions matérielles et morales, symboliques et sociales où ces hypothèses sont à peu près validées, à configurer des espaces où elles ont l'air de fonctionner. Tous les moyens sont bons à cette fin, y compris les moins démocratiques, les moins civilisés, les plus sécuritaires.
L'insurrection qui vient. (185/391)
C'est qu'en un siècle la démocratie a régulièrement présidé à la mise au monde des régimes fascistes, que la civilisation n'a cessé de rimer, sur des airs de Wagner ou d'Iron Maiden, avec extermination, et que la liberté prit un jour de 1929 le double visage d'un banquier qui se défenestre et d'une famille d'ouvriers qui meurt de faim.
L'insurrection qui vient. (186/391)
On a convenu depuis lors –disons : depuis 1945 – que la manipulation des masses, l'activité des services secrets, la restriction des libertés publiques et l'entière souveraineté des différentes polices appartenaient aux moyens propres à assurer la démocratie, la liberté et la civilisation.
L'insurrection qui vient. (187/391)
Au dernier stade de cette évolution, on a le premier maire socialiste de Paris qui met une dernière main à la pacification urbaine, à l'aménagement policier d'un quartier populaire, et s'explique en mots soigneusement calibrés : « Ici on construit un espace civilisé. » Il n'y a rien à y redire, tout à y détruire.
L'insurrection qui vient. (188/391)
Sous ses airs de généralité, cette question de la civilisation n'a rien d'une question philosophique. Une civilisation n'est pas une abstraction qui surplombe la vie. C'est aussi bien ce qui régit, investit, colonise l'existence la plus quotidienne, la plus personnelle. C'est ce qui tient ensemble la dimension la plus intime et la plus générale. En France, la civilisation est inséparable de l'État. Plus un État est fort et ancien, moins il est une superstructure, l'exosquelette d'une société, et plus il est en fait la forme des subjectivités qui le peuplent.
L'insurrection qui vient. (189/391)
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