Le Ragondin Furieux

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L'insurrection qui vient ...suite XIV

L'insurrection qui vient ...suite XIV


Comme on pourra le constater lors de la lecture ce paragraphe est sans concession à propos de la Décroissance, tant mieux! Cette critique est constructive car un regard différent que celui de ceux plantés au coeur de l'objections de croissance permet de faire ressortir ce que l'on pourrait appeler une intellectualisation trop forte des idées de Décroissance. Sans doute un manque de pragmatisme et une forme utopique de la Décroissance sont probablement les quelques péchés de jeunesse de ce mouvement qui commence à agiter les consciences. Cependant, avec la mise en politique de l'Objection de croissance celle-ci commence à s'épurer de ces déviances pour donner une image plus positive aux citoyens, elle devient donc de façon constructive une espérance d'avenir...

Chaque éclaircissement du front est ainsi marqué en France par l'invention d'une nouvelle lubie. Durant les dix dernières années, ce fut ATTAC et son invraisemblable taxe Tobin – dont l'instauration aurait réclamé rien moins que la création d'un gouvernement mondial –, son apologie de l'« économie réelle » contre les marchés financiers et sa touchante nostalgie de l'État. La comédie dura ce qu'elle dura, et finit en plate mascarade.

L'insurrection qui vient. (134/391)

Une lubie remplaçant l'autre, voici la décroissance. Si ATTAC avec ses cours d'éducation populaire a essayé de sauver l'économie comme science, la décroissance prétend, elle, la sauver comme morale. Une seule alternative à l'apocalypse en marche, décroître. Consommer et produire moins. Devenir joyeusement frugaux. Manger bio, aller à bicyclette, arrêter de fumer et surveiller sévèrement les produits qu'on achète. Se contenter du strict nécessaire. Simplicité volontaire. « Redécouvrir la vraie richesse dans l'épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde sain. » « Ne pas puiser dans notre capital naturel. » Aller vers une « économie saine ». « Éviter la régulation par le chaos. » «Ne pas générer de crise sociale remettant en cause la démocratie et l'humanisme. » Bref : devenir économe. Revenir à l'économie de Papa, à l'âge d'or de la petite bourgeoisie: les années 1950. « Lorsque l'individu devient un bon économe, sa propriété remplit alors parfaitement son office, qui est de lui permettre de jouir de sa vie propre à l'abri de l'existence publique ou dans l'enclos privé de sa vie. »

L'insurrection qui vient. (135/391)

Un graphiste en pull artisanal boit un cocktail de fruits, entre amis, à la terrasse d'un café ethnique. On est diserts, cordiaux, on plaisante modérément, on ne fait ni trop de bruit ni trop de silence, on se regarde en souriant, un peu béats : on est tellement civilisés. Plus tard, les uns iront biner la terre d'un jardin de quartier tandis que les autres partiront faire de la poterie, du zen ou un film d'animation. On communie dans le juste sentiment de former une nouvelle humanité, la plus sage, la plus raffinée, la dernière. Et on a raison. Apple et la décroissance s'entendent curieusement sur la civilisation du futur.

L'insurrection qui vient. (136/391)

L'idée de retour à l'économie d'antan des uns est le brouillard opportun derrière lequel s'avance l'idée de grand bond en avant technologique des autres. Car dans l'Histoire, les retours n'existent pas. L'exhortation à revenir au passé n'exprime jamais qu'une des formes de conscience de son temps, et rarement la moins moderne. La décroissance n'est pas par hasard la bannière des publicitaires dissidents du magazine Casseurs de pub. Les inventeurs de la croissance zéro – le club de Rome en 1972 – étaient eux-mêmes un groupe d'industriels et de fonctionnaires qui s'appuyaient sur un rapport des cybernéticiens du MIT.

L'insurrection qui vient. (137/391)

Cette convergence n'est pas fortuite. Elle s'inscrit dans la marche forcée pour trouver une relève à l'économie. Le capitalisme a désintégré à son profit tout ce qui subsistait de liens sociaux, il se lance maintenant dans leur reconstruction à neuf sur ses propres bases. La sociabilité métro-politaine actuelle en est l'incubatrice. De la même façon, il a ravagé les mondes naturels et se lance à présent dans la folle idée de les reconstituer comme autant d'environnements contrôlés, dotés des capteurs adéquats.

L'insurrection qui vient. (138/391)

À cette nouvelle humanité correspond une nouvelle économie, qui voudrait n'être plus une sphère séparée de l'existence mais son tissu, qui voudrait être la matière des rapports humains ; une nouvelle définition du travail comme travail sur soi, et du Capital comme capital humain ; une nouvelle idée de la production comme production de biens relationnels, et de la consommation comme consommation de situations ; et surtout une nouvelle idée de la valeur qui embrasserait toutes les qualités des êtres. Cette « bioéconomie » en gestation conçoit la planète comme un système fermé à gérer, et prétend poser les bases d'une science qui intégrerait tous les paramètres de la vie. Une telle science pourrait nous faire regretter un jour le bon temps des indices trompeurs où l'on prétendait mesurer le bonheur du peuple à la croissance du PIB, mais où au moins personne n'y croyait.

L'insurrection qui vient. (139/391)

« Revaloriser les aspects non éco-nomiques de la vie » est un mot d'ordre de la décroissance en même temps que le programme de réforme du Capital. Éco-villages, caméras de vidéosurveillance, spiritualité, biotechnologies et convivialité appartiennent au même « paradigme civilisationnel » en formation, celui de l'économie totale engendrée depuis la base. Sa matrice intellectuelle n'est autre que la cybernétique, la science des systèmes, c'est-à-dire de leur contrôle.

L'insurrection qui vient. (140/391)

Pour imposer définitivement l'économie, son éthique du travail et de l'avarice, il avait fallu au cours du XVIIe siècle interner et éliminer toute la faune des oisifs, des mendiants, des sorcières, des fous, des jouisseurs et autres pauvres sans aveu, toute une humanité qui démentait par sa seule existence l'ordre de l'intérêt et de la continence. La nouvelle économie ne s'imposera pas sans une semblable sélection des sujets et des zones aptes à la mutation. Le chaos tant annoncé sera l'occasion de ce tri, ou notre victoire sur ce détestable projet.

L'insurrection qui vient. (141/391)


Je n’ai pas voulu dans le préambule présentant ce passage de « l’Insurrection qui vient » soulever la vraie question qui est posée : « la notion de l’économie en tant que science et moteur de nos sociétés. Les auteurs de cet ouvrage collectif rejettent le principe de l‘économie marchande et autres et donc par conséquence la Décroissance qui, à leur yeux, serrait essentiellement un critère économique. Si l’on va dans se sens là, est donc fait abstraction du coté humain de l’objection de croissance pour n’en voir que son aspect économique, ce qui est restrictif et ne correspond pas tout à fait au notions que veulent apporter les membres de l’AdOC.

 

Certes, le système capitaliste à fait de ce terme son cheval de bataille, c'est-à-dire que d’une société qui pourrait être d’échanges, il en à conçu un modèle où la valeur spéculatif est la pierre d’achoppement, le but servant à apporter plus encore de profit, le terme « économie de marché » résumant à peu près tout. Effectivement si l’on ne raisonne que comme cela, vouloir faire de la décroissance peut aussi être considéré comme une action s’incluant dans un principe économique. Mais c’est oublier que le profit capitaliste est aussi basé sur l’exploitation de l’homme par l’homme, le travail dans une société capitaliste est un asservissement contraint de l’ouvrier par ce leitmotiv : la rentabilité, rentabilité productiviste dans l’unique but est d’enrichir l’actionnariat, de servir le capital. Lorsque la Décroissance prône avant tout le fait de détruire le productivisme elle s’insère dans un conteste social, puisque par se biais elle redonne une valeur morale réelle au travail, qui est celui d’une monnaie d’échange, elle fait disparaître par la même occasion la notion de profit, engendrant aussi la fin d’une marchandisation de l’inutile, l’on peut considérer alors que l’on est sorti du substrat économique traditionnel pour une société de partage et de priorités sociétales où n’ont plus comme objet le rentable mais le bien-être de l’individu…

 

Doit-on alors inclure cette vision de nos sociétés dans un principe économique, je ne le crois pas. C’est pourquoi je ne classerai pas la Décroissance en tant que concept économique, mais en tant que concept sociétal et moral!



21/10/2009
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