Le Ragondin Furieux

Le Ragondin Furieux

La science, la technologie et la civilisation de l’inutile


 



La science, la technologie et la civilisation de l'inutile..


« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » s'exclamait Rabelais au XVIéme siècle. La science dont-il parlait apportait progrès et amélioration des qualités de vie, la médecine en particulier en était la principale bénéficiaire dans son esprit. En quelque sorte, malgré ces embellies dues à l'intelligence humaine, le précurseur que fut le futur médecin mettait en garde les hommes sur les déviances que les savants fous sont capables d'imaginer. On pense naturellement à l'eugénisme nazi et autres conceptions intellectuelles cherchant à réguler le monde par la génétique pour ne citer que cet exemple. Pour palier à ces exagérations on a donc établi des codes d'éthiques, des conseils où se réunissent des sortes de sages statuant sur les limites à ne pas dépasser.

 

Le bébé éprouvette en est l'un des thèmes ayant suscité maints débats, d'autant qu'un corolaire mérite d'être discuté car en effet, si l'on fait abstraction de l'aspect affectif, il pourrait encore être d'actualité si l'on considère qu'une croissance démographique débridée poserait problème pour l'avenir de la planète. Il ne s'agit pas de ma part de faire du malthusianisme ce qui est loin de ma pensée -très loin même pour cause de sélectivité sociale sur laquelle Malthus a théorisé-, mais de prendre conscience que la surpopulation pourrait être un problème. C'est d'ailleurs un sujet épineux, mais qui mérite néanmoins que l'on s'y attarde et réfléchisse car l'on ne peut pas non plus écarter l'affectif et le désir d'enfants dans des circonstances où cela ne parait pas possible…

 

C'était probablement autour de thèmes comme celui-ci que Rabelais avait donné cet avis significatif qui donnait à la réflexion où se situaient les limites morales de la science. On peu aisément supposer qu'il n'avait pas pensé que -avec l'évolution rapide des techniques accélérée par la science pour nous conduire à la révolution industrielle- la technologie, qui en apportant le bien-être, deviendrait aussi une machine à concevoir de l'inutile, que l'on appellera le consommable superficiel. Et que pour cette conception de l'apport technologique partenaire du consumérisme soit au rendement maximum, ou de part cette conception, le productivisme en deviendra le moteur sociétal.

 

L'évolution de nos sociétés a peut-être modifié, mais pas fait disparaître l'impondérable universel qui est celui de s'alimenter. Pour la purée de midi à la belle de Fontenay, on va chercher dans le placard le dernier robot à la mode offert à l'occasion de la fête des mères. Déjà que de temps perdu pour trouver la bonne grille, lui faire un peu de place sur l'évier encombré, et vroom, quelques kilowatts consommés vont donner un truc dont on n'a pas véritablement maitrisé la structure, trop liquide, trop pâteux…On a oublié que l'on avait mis au grenier le presse-purée venant des grands-parents. Pourtant, trois tours de manivelle, de l'exercice en quelque sorte, un peu de lait ou d'eau et voilà une purée onctueuse à souhait, bien meilleure.

 

Il a fallu le même temps pour laver l'ustensile traditionnel, peut-être moins. Mais surtout, cela fait cinquante ans que qu'il n'est pas tombé en panne, l'autre, trois petits tours et devient jetable. Le vieil engin est recyclable sans problème, le moderne demande un démontage et un tri des éléments si le cas échéant on veut lui redonner une existence, et enfin, l'un utilise l'énergie manuelle, l'autre fait tourner une centrale nucléaire qui fuit. Pour parachever le tout, il a fallu le passage dans différents bureaux d'études pour le second dans lesquels on aurait pu mettre les chercheurs, dessinateurs, concepteurs au service d'éléments vraiment utiles à l'humain. Business oblige, surtout lors du symbole de la fête des mères où perdure une forme de machisme autour du cadeau qui n'a en réalité été recommandé que pour faire fructifier le système.

 

D'accord, me direz vous, mais dans le même ordre d'idées, on ne peut pas nier que l'aspirateur, pour ne parler que de lui, n'est pas inutile et pratique pour la personne qui fait l'entretien d'une maison ou d'un appartement. Certes, cela fait partie des inventions dues au progrès que l'on peut considérer comme utiles, mais il n'en reste pas moins vrai que la conception de l'engin a souvent plus été tournée vers des préoccupations mercantiles laissant en retrait l'efficacité. C'est pourquoi on voit un beau carénage en matière plastique, plusieurs vitesses dont personne ne se sert, mais qui sont essentiellement des arguments de vente ; même si l'esthétique n'est pas à négliger pour le plaisir de l'œil, on peut faire simple en utilisant des matériaux plus facilement recyclables et puis surtout piocher intellectuellement sur le moins de consommation d'énergie pour un efficacité maximale liée aussi à la durabilité, ce devrait être la préoccupation incontournable et non la science et la technique au service du consommable/jetable, ce qui est l'essence du système productiviste.

 

Si l'on fait une étude attentive autour de nous on s'apercevra que le principe consumériste est incontournable puisque l'on force la vente par divers artifices. La pub, l'orientation de la recherche, sont au service du concept qu'il faut consommer pour produire des richesses que l'on doit consommer, un cercle vicieux, en somme. Il y a une multitude d'exemples illustrant ce propos sur lesquels nous ne nous étendrons pas ; cependant, on peut rappeler, car cela est d'importance pour l'avenir, que des travaux assez poussés autour des nanotechnologies amènent les chercheurs à vouloir modifier l'atome de ce qui se trouve dans notre assiette sous divers prétextes. Manipulations pratiquement et presque uniquement mercantiles puisque l'on estime que d'ici 2015 les nanotechnologies pourraient être utilisées dans 40% des aliments venant de la filière industrielle. Pour résumer, on va prendre un support quelconque et lui donner le goût d'un produit en manipulant ses atomes ou sa structure atomique, mais ceci se faisant consciemment pour diriger l'alimentation vers une industrialisation maximum. Le pire, c'est qu'il n'y a pas eu de moratoire sur la commercialisation des nano-produits. Le principe commence sans doute à être juteux puisque les multinationales de l'agro-alimentaire font profil bas pour éviter que s'ébruite de trop le fait qu'il y a généralisation de ces méthodes.

 

C'est encore un nouvel exemple de la recherche mis au service du profit. Il ne s'agit pas de nier les manipulations de l'atome qui seront probablement utiles à certaines recherches, comme dans le domaine médical, mais de contester leurs utilisations lorsqu'elles sont inutiles alors qu'une alimentation traditionnelle et biologique devrait suffire. Le profit venu de l'industrialisation à outrance étant devenu dans ce cas le principal moteur de la recherche scientifique. D'ailleurs, on peut comprend mieux la juste récrimination des chercheurs qui préfèrent rester dans un cadre étatique plutôt que privé. Les axes de recherches étant plus généraux et divers et n'iront pas uniquement dans le sens de l'amélioration de la rentabilité et du profit.

 

Le grand enseignement que l'on peut tirer de ces réflexions est que le principe consumériste n'est probablement pas source de véritable bien-être, un peu de bien-être quand même, mais orienté, c'est incontestable… Et oui, un maxi écran plasma issu des dernières technologies pour regarder Secret Story est à l'évidence le summum de la navrante inconséquence humaine servie par la perversité de système capitaliste…La technique cinématographique nouvellement découverte nous avait amené un art, l'évolution télévisuelle et sa marchandisation en a fait un foutoir ! Je ne parlerai pas de la croissance verte qui est dans même ordre d'idée car cela mériterait un article entier autour de cette aberration.

 

En modifiant nos comportements, on va par la moindre consommation, la plus utile consommation, sortir de productivisme ce qui va faire dire à certain que l'on va diminuer l'emploi. Comme on consomme moins, il est évident que l'on va modifier les règles du pouvoir d'achat et permettre de travailler moins. On va aussi déplacer les priorités économiques vers le collectif, l'éducation, la santé, les services sociaux et par là même déplacer le travail en lui redonnant d'ailleurs sa quintessence : une monnaie d'échange ; c'est donc une société différente et un tissu social où les inégalités se comblent qui doit être le ferment de notre imaginaire politique. Naturellement, le profit et son corolaire l'esclavagisme moderne tel que le conçoit le capitalisme sont à éradiquer en premier pour changer les états d'esprits.

 

Donc, il s'agit bien de redonner à la science, à la technologie leurs lettres de noblesse qui sont  de donner avec sagesse et modération du véritable bien-être à l'humain, voire du bonheur, et ceci en dehors de toute contingence mercantile…

 


 

 

 



13/08/2009
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