Le Ragondin Furieux

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Colonisation, devoir de mémoire ou repentance?

Colonisation, devoir de mémoire ou repentance?


Comme j'ai peur de rien, je vais tenter d'aborder un sujet épineux, la colonisation.

Toutefois, suite aux commentaires sur l'article relatif au journal de Vendée, j'ai comme l'impression d'avoir empiéter sur le domaine réservé d'historiens pensant que seuls eux étaient accrédités à nous conter l'Histoire. Que seuls ceux ayant reçu une formation étaient les garants de la propagation des faits historiques de façon rationnelle et statistique. Cela est à l'évidence pour le moins réducteur dans l'appréciation du passé, et que les Témoins, les Erudits, sont aussi aptes à apporter leurs grains de sel sur la façon de relater notre présent, mais aussi sur les événements qui nous ont construits, et d'apporter leurs pierres d'achoppement contribuant ainsi au devoir de mémoire. Qu'importe si je froisse certaines sensibilités, je vais donc tenter de disserter sur la colonisation, n'en déplaise aux historiens puristes.

La question est donc de savoir s'il est de bon ton de faire repentance sur notre passé, pour cela je prendrais quelques exemples qui laissent dubitatif quand au fait de taire quels furent les arguments non ponctuels et justificatifs des colons.

Un petit exemple de comment le colonisateur voyait les choses. Il s'agit d'un extrait " De l'établissement des Français dans la Régence d'Alger et des Moyens d'en assurer la Prospérité, Paris 1839, Tome II, page 205, Genty de Bussy qui fut intendant civil de 1832 à 1835.

" Il est plus pressant de mettre les indigènes en possession de notre langue que pour nous d'étudier la leur. L'arabe ne nous sera utile que pour nos relation avec les Africains ; le français commence leurs rapports avec nous, mais il est pour eux la clef avec laquelle ils doivent pénétrer le sanctuaire ; il les met en contact avec nos livres, avec nos professeurs, c'est à dire avec la science elle-même. Au delà de l'arabe, il y a rien que la langue ; au delà du français, il y a tout ce que les connaissances humaines, tout ce que les progrès de l'intelligence ont entassé depuis tant d'année".

Malheureusement ce n'est pas le seul écrit de cet acabit qui prouve s'il en est que le colonisateur faisait peu de cas de la culture du pays envahi, pourtant on aurait pu faire remarquer à Bussy que les Arabes avaient inventé l'algèbre, entre autre, et que cela était bien utile pour faire avancer les sciences qu'il tenait en panacées de la civilisation européenne. D'ailleurs, pour la petite histoire et prouver que les sciences sont universelles, ce sera un habitant du Bas-Poitou, maintenant en Vendée, François Viette qui modernisa l'algèbre.

Je tiens à la disposition de qui voudra faire un travail d'historien sérieux encore foule de documents qui ne sont pas à la gloire du colonialisme.

Apparemment il y en a qui n'ont pas encore compris quels furent souvent les fondements intellectuels des colonisateurs, pour leur éducation j'ai donc pioché à travers les poncifs usuels et j'ai noté ce paragraphe du Cahiers N° 11 du centenaire de l'Algérie, paru en 1930 sous la houlette de Jean Mirante, directeur des affaires indigènes de l'Algérie, dans le bas de la page 25 on peut lire:

« Le milieu psychologique: Une imprévoyance native, légendaire, presque incorrigible. Tient-elle, comme on pourrait le croire, au fatalisme islamique? Fatalisme qui n'est pas le « Fatum » antique, lequel laissait au Grecs le moyen et le goût de prévoir, mais un lourd fatalisme d'Orient, écrasant la destiné humaine et rendant inutile, voire dangereuse toute échappée sur l'avenir. Faut-il rechercher l'origine de cette imprévoyance dans l'action du climat qui, durant la saison chaude, dissout parfois les volontés et amollit les esprits? Quoi qu'il en soit,il est indéniable que l'indigène était – et reste encore, bien qu'à un degré moindre – insoucieux du lendemain. Il peut s'attacher à la contemplation du passé, il n'envisage que rarement l'avenir; il est l'homme de la minute présente. Il ne sent pas la nécessité de l'épargne. Vienne une mauvaise récolte: c'est la misère. »

A la lecture d'une telle indigence intellectuelle de l'indigène on comprend que certains se soient dévoués pour éviter qu'il crève de faim... Mais ce qui est le plus étonnant, c'est que l'on ait oublié ce laxisme rédhibitoire lorsqu'il s'agissait de faire zigouiller le zouave pour défendre la Mère-Patrie. Comme c'est bizarre...

Mais pour que les septiques ne voient pas dans mes recherches une obsession sur le sens néfastes des écrits de la colonisation je rajouterai celui-là de la page 13 et toujours du cahier N°11, qui est en lui seul représentatif:

« Il faudrait, en outre, citer les lettres des officiers de la Conquête, pleines de détails sur l'ignorance et les superstitions des autochtones, et lire ensuite cette phrase récente d'une revue indigène, dont le positivisme résolu n'a sans doute qu'une valeur d'exception, mais qui n'en reste pas moins un test précieux à divers égards: « Ayons foi en la religion de l'Humanité, celle que tous les hommes sont frères et qu'ils sont solidaires les uns des autres ».

Ce qui me gêne c'est la condescendance de ces écrits qui trouvent exceptionnels que les arabo-berbères, ainsi qu'ils sont désignés, puissent émettre des raisonnements philosophiques qui seraient l'apanage des civilisations prétendues supérieures!

Ce genre de propos coure donc tout au long des douze cahiers consacrés en 1930 au centenaire de l'Algérie et il n'est pas surprenant que certain soit encore convaincus de ces théories obsolètes puisque cette littérature fut divulgué à l'envie dans les écoles primaires. D'ailleurs ces cahiers qui sont en ma possession viennent d'une école maintenant désaffectée, et c'est pour cela que j'ai choisi d'en parler.

Donc pour effacer ce que insidieusement on a inculqué, il est nécessaire de faire un vrai travail de mémoire, en toute liberté d'esprit, et de porter haut cette introspection de notre passé, la reconnaissance des erreurs de nos civilisations fait partie de l'intelligence des peuples.

Je pourrait vous raconter aussi la rencontre dans ma jeunesse avec les nouveaux arrivants, ceux que l'on appelait à l'époque les rapatriés, je ne le ferais pas, car cela pourrait ranimer les rancoeurs, ce débat étant d'ailleurs souvent encore à vif.

Mais aussi le fait d'avoir écouté les propos d'un général en retraite, natif d'Algérie, capitaine au moment de l'insurrection auquel il avait participé au côté du quarteron de généraux, et dont j'en ai tiré la conclusion que notre histoire n'était pas toujours belle à regarder. D'ailleurs j'ai appris beaucoup par ce militaire qui, lorsqu'il était colonel, fut commandant d'armes à Phnom penh chez Sihanouk et aussi auprès de Bokassa, il m'a relaté des événements qui sont le témoignage non écrit et que pourtant je transmet en toute impartialité n'ayant pas du tout la même conception ni le même regard que le sien sur la politique.

Donc pour ceux qui vont dans le sens des propos de Lefeuvre, par exemple, je leur conseillerai de faire un vrai travail d'historien car les quelques textes que j'ai cité ne sont pas qu'anecdotes, ni la généralisation de cas particulier ainsi que le prétend ce Monsieur. Mais bel et bien une suite d'allégations plus où moins tendancieuses qui nous obligent à faire un véritable travail de mémoire.

Je ne prendrais pas appui sur l'histoire "positiviste" au XIXe siècle, ni l'histoire sérielle, ni l'histoire économique et l'histoire démographique, au XXe siècle, mais simplement avec ma sensibilité d'homme j'essaierais de faire en sorte que notre passé soit connu, même s'il paraît abusif de faire éternellement une repentance, celle-ci ne doit pas être cependant éludée en allant chercher une argumentation à connotation philocoloniale(dixit Nourredine Khélassi), ce qui est trop souvent le cas, et il ne s'agit pas là du cas particulier de Daniel Lefeuvre qui me semble malgré tout de bonne foi.

D'ailleurs pour éviter ce genre de digression, le devoir de mémoire, lui, est plus que jamais d'actualité.
























14/11/2008
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